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« Toutes les distinctions entre navires marchands et vaisseaux de guerre, dit l’Allemagne, ont été oblitérées par l’ordre donné aux navires marchands anglais de s’armer et d’éperonner les sous-marins et par les récompenses offertes pour cet objet. » La note n’oublie qu’une chose, et, à coup sûr, elle le fait volontairement, c’est que l’ordre donné par le gouvernement anglais n’est pas antérieur, mais bien postérieur à celui par lequel le gouvernement allemand annonçait son intention de torpiller les navires de commerce. C’était une mesure de protection et de défense contre une menace criminelle. Mais, au fait, le Lusitania était-il armé ? Le gouvernement allemand l’affirme contre toute vérité, et il en conclut que si le commandant du sous-marin « avait permis à l’équipage et aux passagers de se réfugier dans les canots avant de lancer une torpille, cela aurait équivalu à la destruction certaine de son propre bâtiment. » Il a été prouvé depuis que le Lusitania n’était nullement armé et que le torpilleur n’avait rien à en craindre. Mais, assure imperturbablement la note allemande, le navire anglais portait une quantité considérable d’explosifs puissans, et c’est à cela qu’il faut attribuer la rapidité de sa destruction qui n’a pas permis à l’équipage de se sauver. Et le sentiment intervient d’une manière imprévue. « On peut faire observer, lisons-nous, que, si le Lusitania avait été épargné, des milliers de caisses de munitions auraient été envoyées aux ennemis de l’Allemagne et que, par-là, des milliers de mères et d’enfans allemands auraient été privés des hommes qui assuraient leur vie ! »

Ici la question se précise : le gouvernement impérial revient à sa prétention d’interdire le commerce des munitions de guerre, droit que, tout au contraire, le gouvernement des États-Unis revendique. Sans doute le gouvernement allemand a le droit de saisir en mer ou de détruire les munitions destinées à ses ennemis, mais il n’a nullement celui de torpiller le navire sans avertissement, ni d’attenter à la vie des passagers, et c’est là le point important de la controverse que le gouvernement américain soutient contre lui. Que propose-t-il à ce gouvernement pour lui donner satisfaction ? Une espèce d’arrangement qui en ferait son subordonné et son complice. Quand les États-Unis voudront envoyer en Europe un navire transportant des voyageurs, ils devront en avertir l’Allemagne assez longtemps à l’avance ; ils muniront le navire de signes distinctifs ; ils garantiront en outre qu’il ne porte pas de contrebande, moyennant quoi on voudra bien le laisser passer. Dans le cas où les États-Unis n’auraient pas un nombre de navires suffisant, il leur sera permis d’employer,