Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

science et aux inventions proprement dites, on peut a priori supposer, en pensant au développement gigantesque de son industrie, que l’Allemagne a apporté là les idées les plus originales et les plus fécondes. Or il en est tout autrement, comme le montre la seule nomenclature des grandes applications scientifiques qui, à des titres divers, ont changé les conditions de la vie. L’Allemagne n’a pas contribué à l’invention des machines à vapeur, des chemins de fer, de la navigation à vapeur. Il en est de même pour les ballons et les aéroplanes, la navigation sous-marine, la télégraphie électrique, la téléphonie, la télégraphie sans fil et d’autres inventions que j’omets. Il est inutile de reprendre l’histoire tant de fois racontée de ces applications scientifiques. Même dans les choses de la guerre, qui sollicitent si vivement notre attention à l’heure actuelle, l’Allemagne n’a pas apporté de contribution vraiment originale. La science des explosifs, qui doit son origine à Lavoisier et à Berthollet, fut développée ensuite par deux savans anglais, Abel et Noble, puis de nouveau en France par Berthelot, et par un ingénieur éminent, notre contemporain, à qui l’on doit la découverte de l’onde explosive et celle de la poudre sans fumée qui révolutionna l’art de la guerre. Pour la partie mécanique de la balistique, on peut rappeler que l’utilité des projectiles oblongs avec rayure des canons fut signalée dès 1760 par l’ingénieur anglais Robins, à qui on doit en outre l’invention du pendule balistique ; on sait que le canon rayé fut effectivement réalisé plus tard en France. Enfin, pour terminer par un détail, le projectile dont nous entendons si souvent parler, le shrapnel, fut imaginé par un officier anglais, Shrapnell, qui, il y a un siècle, réalisa avec les boulets alors en usage le genre de projectiles auxquels son nom est resté attaché.

L’histoire nous montre donc que, dans les applications scientifiques comme dans la science pure, l’Allemagne n’a pas témoigné d’une originalité qui doive lui conférer une supériorité sur tant d’autres nations plus inventives ; tout au contraire. Et cependant, cette supériorité dans l’industrie et le commerce est réelle ; quant à la croyance à une prétendue supériorité scientifique, elle tient à une confusion entre l’augmentation du rendement scientifique et le progrès réel de la science.

Dans maintes parties de la science, les bonnes méthodes