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au sujet de cette région : il eût voulu voir l’Angleterre annexer le littoral. Mais le pays, à demi désertique, semblait peu propice à la colonisation ; l’annexion pouvait avoir pour conséquence des luttes contre les indigènes : le gouvernement anglais se contenta d’annexer, en mars 1878, la baie de Walfish, et un périmètre de 15 milles autour : c’est le seul port naturel important de cette côte inhospitalière[1].

Les Allemands avaient pris pied dans l’Afrique australe : d’heureuses circonstances ne pourraient-elles leur permettre d’étendre leur domination ? Le président Kruger, ambitieux de réaliser une Confédération sud-africaine indépendante, comprit la nécessité de chercher un appui à l’étranger contre l’Angleterre. Il accepta aisément les avances intéressées de l’Allemagne. En janvier 1895, à un banquet officiel donné à Pretoria en l’honneur de l’anniversaire de la naissance de Guillaume II, il disait : « Le moment est venu de nouer des liens d’étroite amitié entre l’Allemagne et la République sud-africaine, — des liens comme il est naturel entre le père et l’enfant, » et, précisant sa pensée, montrant nettement le but que cette amitié permettrait d’atteindre, il ajoutait : « Lorsque nous signâmes la Convention [de 1884] avec le gouvernement anglais, — je regardais cette république comme un jeune enfant, et un jeune enfant ne peut porter que des vêtemens qui conviennent à sa taille. Les vêtemens d’un enfant ne peuvent avoir les dimensions de ceux d’un homme fait. Mais, à mesure que l’enfant se développe, il lui faut des vêtemens plus grands : les vieux, devenus trop étroits, éclatent. C’est notre position aujourd’hui ; nous sommes des adolescens, et, bien que nous soyons jeunes, nous savons que, si une nation tentait de nous faire reculer, une autre nation s’y opposerait. »

Le gouvernement allemand n’était pas encore décidé à remplir ses promesses, ou, peut-être, le président essayait-il de l’engager plus loin qu’il n’entendait aller, car, à une demande d’explication du gouvernement anglais, que le discours du président Kruger avait ému, le gouvernement allemand répondit qu’il ne désirait en Afrique australe que le maintien du statu quo. Mais il ajoutait qu’il était opposé à toute idée « d’union douanière, d’amalgamation ou de fédération des États sud-africains…, qui

  1. En 1867, le gouvernement anglais avait annexé quelques îles situées aux abords de la baie d’Angra Pequeña.