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devait, malheureusement, se heurter aux préjugés et à l’ignorance d’une fraction importante du parti. Pour les Hollandais des régions peuplées de la colonie du Cap, pour ceux qui étaient en contact avec des centres urbains, population bilingue, en relations constantes avec leurs concitoyens d’origine anglaise, ce programme était acceptable, mais les Boers du « backveldt, » arriérés et farouches, effrayés par les progrès d’une civilisation à laquelle ils se sentaient incapables de résister, ne pouvaient acquiescer avant une longue campagne d’éducation à un programme qui, pensaient-ils, menaçait leurs intérêts et les coutumes qui leur étaient chères. Leur résistance fut soutenue par le clergé hollandais, qui voyait, dans toute extension de la langue anglaise au détriment du taal, une atteinte à l’influence considérable qu’il exerçait sur ces populations. Ces Boers du backveldt formèrent l’aile réactionnaire du parti nationaliste : ils entendaient conserver dans l’Union, aussi purs que possible, les idéals et le caractère de leur race. La conservation et, si possible, la propagation de leur langue était leur plus chère revendication.

Le général Hertzog, membre du ministère, où il représentait l’Etat libre, devint bientôt le chef de cet élément. Partisan intransigeant de la nationalité hollando-sud-africaine, il prétendait tirer des conséquences extrêmes de l’article de la Constitution qui met l’anglais et le hollandais, langues officielles, sur le pied d’égalité. Il eût voulu, par le moyen de l’école primaire, faire de l’Afrique du Sud un pays bilingue. Un débat, soulevé dans la première session, sur la question des langues, rendit publique l’existence dans la majorité et dans le ministère de cet élément réactionnaire et manifeste son intransigeance. Il fallut toute l’autorité du général Botha pour lui imposer l’acceptation d’un compromis.

Des divergences aussi profondes se manifestèrent au sujet de l’immigration et de la question noire. Opposition irréductible à toute aide gouvernementale pour faciliter l’immigration blanche ; défense d’une politique aussi stricte que possible de séparation physique des indigènes d’avec les blancs, telle fut l’attitude du général Hertzog et de ses partisans, sur ces questions. Au cours de ces discussions, l’autorité de ce dernier avait grandi. Soutenu par la protection affichée de l’ancien président de l’Etat libre, M. Steyn, dont on le considérait comme le porte-parole,