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REVUE DRAMATIQUE

ALEXANDRE DUMAS FILS ET LA GUERRE DE 1870

Depuis le début de la guerre, nos auteurs dramatiques se sont tous, ou peu s’en faut, abstenus de faire représenter aucune pièce nouvelle. C’est une preuve de tact dont sans doute ils n’accepteraient même pas qu’on les louât. Pour eux comme pour nous tous, il n’y a qu’un drame, celui dont l’Europe presque entière est le théâtre et dont nous attendons avec angoisse le dénouement. Après ces longs mois de silence et de recueillement, de méditation douloureuse et de repliement sur soi-même, comment nous reviendront-ils ? Les retrouverons-nous pareils à eux-mêmes et tels que si rien ne s’était passé dans la vie de leur pays, ou la leçon des événemens aura-t-elle modifié leur manière ? C’est une question qu’il est impossible de ne pas se poser, pour peu qu’on s’intéresse aux choses de théâtre. En guise de réponse, j’étudierai le cas d’un illustre aîné, qui fut témoin de la guerre de 1870, en souffrit dans son cœur de Français et en subit le contre-coup dans son œuvre. Justement la Comédie-Française a repris et joué pendant ces derniers mois deux pièces d’Alexandre Dumas fils, la Visite de noces et la Princesse Georges, représentées au lendemain de la guerre, en 1871. Même elle avait songé à remettre à la scène la Femme de Claude, qui suivit immédiatement et depuis lors n’a jamais été reprise. Pourquoi ce projet n’a-t-il pas été mis à exécution ? Je ne suis pas dans le secret des dieux, je ne suis pas dans la coulisse, n’étant même allé de ma vie dans les coulisses d’aucun théâtre, et pourtant je crois le savoir. La Femme de Claude fut, dans sa nouveauté, fraîchement accueillie par le public de 1873, pour qui elle avait