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Pour juger du vrai sens de la réponse de Murner dans sa Nova Germania, il faut se représenter le caractère de ce personnage, plein de verve facétieuse[1], d’une malice souvent un peu grosse, grasse surtout, mais vive et impétueuse. Il manie l’ironie avec flegme, et sa pointe acérée pénètre alors d’autant plus profondément qu’il semble ménager l’adversaire.

Il va tourner en ridicule toute l’argumentation historique de Wimpheling en mêlant à la critique sérieuse des argumens plus fantastiques que les siens.

Il renchérira de même sur son patriotisme anti-français, sur sa haine de la « servitude française, » pour montrer ce qu’ont de chimérique les craintes de son adversaire. Et de tout cela ressort finalement la note alsacienne : Nous avons fait partie de la France, nous sommes maintenant rattachés à l’Allemagne, avant tout nous sommes nous-mêmes, nous sommes Alsaciens et Strasbourgeois.

Partout et toujours, dans la question du Rhin, limite de la Gaule, dans celles du rattachement ancien à la France symbolisé par les fleurs de lys de la monnaie strasbourgeoise, ou de la dévotion à la Sainte-Vierge, comme patronne de la ville, Murner met au premier plan, pour s’en faire appui, le sentiment populaire.

Wimpheling avait dédié sa Germanie aux magnifiques et nobles sénateurs, patriciens et magistrats de l’illustre cité argentine.

Murner dédie sa Nouvelle Germanie à un adolescent bien doué (bone indolis), un de ses jeunes disciples.

« Tu serais bien surpris, lui dit-il, que j’eusse dans cet écrit voulu restaurer la puissance primitive des Français (priscam Gallorum venam innovare) et changer la liberté de notre ville en une révoltante servitude (fastidiosam servitutem). Regardes-y de près, et tu verras si j’ai voulu remettre aux mains des Français le gouvernail de Strasbourg. »

La liberté, selon lui, a été accordée à Strasbourg par Charlemagne qu’il regarde comme empereur français et confirmée par le Pape. Il tremble donc bien à tort (trepidavit timore ubi non erat timor), Wimpheling, dit-il, quand il craint que si nous reconnaissons avoir été jadis sous l’empereur des

  1. C’est lui qui fut, sinon le père, du moins le parrain de Dil Ulenspiegel dont nous avons fait Til l’Espiègle, et qu’il a mis au jour en 1519.