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II

Depuis l’avènement de l’illustre pontife, un rapprochement s’était opéré entre Bismarck et la Papauté. Renonçant à la politique du Kulturkampf, le chancelier avait pris l’engagement de réviser les lois arbitraires votées en 1872, et appliquées ensuite avec la plus impitoyable rigueur. Cette révision était commencée, et dans l’incertitude où il se trouvait quant à l’issue de son conflit avec le Centre, il était naturel qu’il eut pensé à faire appel au Saint-Siège, qu’il devait croire tout-puissant sur ce parti. En provoquant cette démarche, il avait fait valoir que le rejet du Septennat aurait pour effet de rendre inévitable une guerre entre l’Allemagne et la France.

On sait avec quel empressement Léon XIII s’était rendu au désir du chancelier, sans poser d’ailleurs aucune condition. Le nonce papal résidant en Bavière avait été invité à employer son influence sur les chefs du Centre pour les convaincre au nom du Souverain Pontife qu’il était de l’intérêt de l’Eglise et de la paix du monde que les projets militaires soumis au Reichstag fussent votés, et qu’en conséquence le parti devait renoncer à les combattre, s’ils n’étaient pas absolument incompatibles avec ce qu’exigeait la cause religieuse en Allemagne. Mais, soit que ce conseil donné aux chefs n’eût pas été communiqué par eux à leurs collègues, soit que ceux-ci se fussent refusés à en tenir compte, il ne fut pas suivi. Le 14 janvier 1887, le Reichstag ayant à se prononcer sur l’amendement qui substituait le Triennat au Septennat, l’adoptait malgré les efforts de Bismarck, par 183 voix contre 134. Ce n’était, de la part de la majorité, la preuve ni de son libéralisme, ni de ses sentimens pacifiques, mais tout simplement une protestation éclatante contre le système autoritaire que le chancelier entendait opposer de plus en plus au parlementarisme. Néanmoins, et quel qu’en fût le caractère, le vote du Reichstag infligeait au gouvernement une défaite. Mais Bismarck l’avait prévue, il s’y était préparé. Lorsque le résultat du scrutin eut été proclamé, il se leva et donna lecture d’un décret impérial qui prononçait la dissolution de l’assemblée. Bien qu’on s’y fût attendu, cette mesure provoqua de toutes parts la plus vive émotion. Les amis du chancelier s’inquiétaient des