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nationale. On était loin de la transaction sur laquelle les délégués des groupes s’étaient mis d’accord avec le gouvernement ! Il ne s’agissait plus d’autoriser les Commissions à faire des enquêtes, sur certains points déterminés et limités ; ce château de cartes, péniblement édifié, était déjà renversé : il s’agissait maintenant de tout dire à la. Chambre entière, ce qui ne pouvait se faire qu’à huis clos. Il y aurait donc une séance secrète ; M. Varenne voulait bien consentir à ce qu’elle ne se terminât pas par un vote ; mais une fois qu’on saurait tout, on reprendrait, s’il y avait lieu, l’affaire en séance publique et alors on voterait. Qu’est-ce à dire ? La Chambre, en séance secrète, opérerait comme un juge d’instruction qui prépare le jugement sans le prononcer, après quoi elle se transmettrait à elle-même le dossier et s’érigerait en tribunal, avec la différence que, devant un tribunal ordinaire, on dit tout, tandis que, devant celui-ci, on ne dirait rien, on se contenterait de conclure sur des renseignemens qui resteraient confidentiels. Mais qu’en penserait le pays ? Qu’y comprendrait-il ? On se l’est demandé et nous avons assisté alors à un spectacle singulier. La séance secrète paraissait certaine quand elle a été proposée ; le gouvernement lui-même avait eu, disons la condescendance d’en accepter le principe ; mais presque aussitôt des oppositions se sont produites, des doutes sont venus aux esprits, les groupes ont commencé à se désagréger devant une question qui avait d’abord semblé toute simple, mais qui, à la réflexion, devenait délicate, inquiétante, menaçante, et chaque jour des défections se produisaient. Les partisans de la proposition lâchaient pied les uns après les autres. On se demandait si un secret confié à six cents personnes ne courait pas quelque risque de transpirer. Le bon sens reprenait ses droits, et quand M. Viviani est monté à la tribune, le 26 août, il n’y avait vraiment plus qu’à souffler sur la proposition de comité secret pour la faire s’évanouir. Au fond, personne n’en voulait plus. Les derniers coups lui ont été portés par MM. Paul Beauregard et Denys Cochin, et elle a été enterrée par M. Varenne lui-même dans des termes qu’on n’attendait pas de lui. Après avoir pris la défense du parlement qu’on a, disait-il, beaucoup calomnié ; après avoir assuré qu’il n’y avait dans son sein ni partis, ni intrigues, il a conclu ainsi, sans se soucier de la contradiction : « La Chambre n’a le choix qu’entre le secret ou le silence, car il n’y a pas moyen de porter à la tribune les questions relatives à la défense nationale. Si vous choisissez le silence, cela ne me déplaît pas, mais il faut qu’il soit bien entendu que nous cessons la guerre de couloirs et que nous ne pensons plus qu’à