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vaillantes armées françaises et anglaises. Il vous appartient, par la ténacité et la bravoure dont vous avez donné tant de preuves, de soutenir la réputation de nos armes. Notre honneur national est engagé. Soldats, envisagez l’avenir avec confiance, luttez avec courage. Que dans les positions où je vous placerai vos regards se portent uniquement en avant, et considérez comme traître à la patrie celui qui prononcera le mot de retraite sans que l’ordre formel en soit donné. Le moment est venu, avec l’aide de nos puissans Alliés, de chasser du sol de notre chère patrie l’ennemi qui l’a envahie au mépris de ses engagemens et des droits sacrés d’un peuple libre ! »

La lecture, dans les tranchées fraîchement creusées, de ces paroles simples et chaudes avait relevé les courages. Comme au début de la guerre, ces régimens récemment réorganisés, insuffisamment encadrés, mélangés, depuis quelques jours à peine, d’élémens nouveaux hâtivement formés, se sentaient prêts à tous les sacrifices. Ils s’étaient crus abattus : l’appel du Roi les ressuscitait. Au sursaut d’indignation qui les avait dressés naguère devant l’insolente prétention du colosse s’ajoutaient, pour exalter leurs énergies, leur confiance renouvelée et le sentiment de leur gloire. On s’arrêtait enfin après tant de jours, on tenait tête, on faisait face ! On allait, après la victoire, marcher de l’avant. Des renforts puissans, dans un jour, dans deux jours tout au plus, allaient arriver. On était une aile de l’immense front, on était un coin de la grande bataille. Et l’on se battait sur le sol sacré, on gardait libre, tout au moins, une parcelle de la Patrie, qu’il fallait à tout prix conserver vivante. Enfin la position de l’Yser semblait sûre.

Les yeux fixés vers le Nord, les soldats voyaient déjà la menace apparaître ; l’oreille tendue vers le Sud, il leur semblait entendre la victoire monter. S’allongeant d’Arras à la Bassée, de la Bassée à la Lys, l’armée française approchait chaque jour, tendant à se souder à la nôtre. Sa cavalerie opérait autour de Lille. Deux divisions territoriales tenaient les abords d’Ypres ; quatre corps anglais, récemment débarqués à Hazebrouck et Saint-Omer, s’intercalaient entre les Français et nous. On percevait, sur les chemins qui vont de Kemmel et de l’Yperlée vers Staden et Roulers, le galop de la cavalerie britannique. La petite armée, jusque-là, toujours livrée à elle-même, n’était plus seule : elle donnait la main aux plus belles