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rouges, se suivaient, en une ligne courbe aussi, à quelque mille mètres du bord. Mannekensvère, Schoore, Spermalie, Keyem, Beerst, Vladsloo. De grosses fermes aux larges auvens s’entouraient de fossés. Au Nord-Ouest, ils voyaient fuir vers Ostende le moutonnement vert et or des grandes dunes sous le soleil. Quand ils se retournaient, ils dominaient la dernière réserve de la patrie, ce beau pays du Veurne Ambacht, si paisible et si doux dans l’embrassement des eaux. Dixmude fermait l’horizon. Caeskerke avait un petit clocher pointu, tout neuf, tout blanc, qui riait au-dessus des toits écarlates. La tour de Lampernisse était comme un bastion, celle de Loo comme un beffroi. Celles d’Oostkerke et de Pervyse se penchaient en avant, contre le vent de mer. Et, par-dessus le talus du chemin de fer qui va tout droit de Dixmude à Nieuport, formant la corde de l’arc dont les soldats occupaient la courbe, ils pouvaient voir Furnes, capitale provisoire d’un roi héroïque, jeter au ciel l’élan modeste et surnaturel de ses trois tours.

Entre l’Yser et la ligne du chemin de fer (la distance entre ces deux lignes est, au centre de la courbe, de deux kilomètres), la terre est basse, très humide, coupée de canaux. Le plus important est le Beverdyck qui coule vers Nieuport, parallèlement à l’Yser, sa ligne se prolongeant au Sud-Est par le Regersvliet qui baigne deux villages aux noms doux et barbares : Stuyvekenskerke et Oudstuyvekenskerke. De grandes pâtures s’étendent autour de fermes riches et isolées qui vont devenir célèbres. La Roode Poort, la Ferme Maudite, la ferme Den Toren, la Ferme sans nom, la ferme Van de Woude, la ferme-château de Vicogne. Le remblai du chemin de fer cache un peu, au centre, les agglomérations serrées de Ramscapelle, de Pervyse, et, un peu en retrait, celle de Boitshoucke.

Deux petites villes ferment le champ de bataille : Nieuport au Nord-Ouest, Dixmude au Sud-Est. A Dixmude, qui est tout entière sur la rive droite de l’Yser, les fusiliers marins de l’amiral Bonarch viennent d’arriver avec l’artillerie belge du major Pontus. Ils ont, en avant des jolis faubourgs, creusé un mince réseau de tranchées. Ils sont décidés à se battre héroïquement comme ils l’ont fait à Melle. La tête de pont qu’ils défendent est de la plus grande importance. La défense de Nieuport importe plus encore : la vieille ville est séparée de la rive droite par six cours d’eau qui se jettent au fond de son très ancien