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La seule proclamation de l’Empire, dans les fanfares de la victoire, fut comme un chant magique dont toutes les ardeurs, toutes les ambitions, tous les confians et agissans espoirs de l’Allemagne furent réveillés. Au musée municipal de Spire, on conserve pieusement, avec des trophées de nos défaites et quelques dépouilles de nos troupes, les bannières des sociétés, confréries et Vereine qui accueillirent en 1871 le retour des vainqueurs. Sur la bannière des savetiers, on lit :


Ist einst gross zur See unsere Macht,
Dann, stolzes England,
Gute Nacht !

Quand, sur la mer, aura grandi notre pouvoir,
Alors, fière Angleterre,
Bonsoir !


Dès 1871, les savetiers de Spire espéraient, croyaient, savaient que l’Empire restauré, ce n’était pas seulement le règne de la force germanique sur le Continent, l’éclipsé de la France et de l’Autriche ; c’était aussi l’extension du commerce germanique à travers le monde, et la ruine, le sommeil final de l’Angleterre : il a fallu quarante-quatre ans à certains Anglais pour découvrir, et presque trop tard, cette vérité qu’avait révélée aux peuples allemands l’éclair de la victoire. L’Allemagne de 1871 avait appris, dans ses manuels d’histoire, qu’à la ruine de l’Ancien Empire jadis, personne n’avait autant perdu que les gens de négoce et de métier, car les vieux Empereurs considéraient comme le premier devoir de leur charge de servir la gloire du vrai Dieu, mais le second, de protéger « les marchands de notre empire, » mercatores nostri imperii. C’est le même programme qu’adopta Bismarck et qu’il fit exécuter par le Hohenzollern : Guillaume II, en cela encore, ne fut que le continuateur des Hohenstaufen.

Bien avant d’être empereur, le Hohenzollern, électeur ou roi, avait toujours été préoccupé d’augmenter le nombre et les ressources de ses sujets. Dès l’origine, sa famille ne s’était tirée de la foule des seigneuries infimes et n’avait acquis son électorat que par l’argent, plus encore que par les armes ; puis, une politique de repeuplement, d’améliorations terriennes et de stricte économie avait semblé à ses Electeurs l’indispensable contre-partie de leurs ambitions militaires ; puis, pour tenir le