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de décades en décades, l’ère des bénéfices abondans, durables, et l’épargne solide, et l’amortissement global.


Ajoutez l’un des traits de cette éternelle Allemagne : l’Empire fut toujours une charge écrasante pour ses détenteurs, peuples ou souverains, moins par la force militaire, l’habileté politique, l’activité et l’énergie qu’il exigeait d’eux que par le fardeau financier qu’il les forçait d’endosser avec la pourpre. L’histoire de l’Ancien Empire n’est qu’une suite de nations et de dynasties ruinées où l’Empereur le plus riche devient en quelques années un pauvre sire : Carolingiens, Saxons, Franconiens, Hohenstaufen, tous finissent dans le dénuement et quelques-uns dans la mendicité ; les unes après les autres, chacune des grandes nations germaniques est courbée, brisée par le triple fardeau impérial. Car autrefois comme aujourd’hui, l’Empire impose à ses titulaires, peuples et souverains, une triple dette, qui les écrase.

Ils doivent en premier lieu réparer les désastres, l’incurie ou les déficits du passé, restituer à l’Allemagne ces jours légendaires et de bonne mémoire où, sous ses grands Empereurs de jadis, elle était heureuse, prospère et de tous enviée.

Ils doivent en outre porter le sceptre et la couronne avec le faste qui convient : ce n’est que dans l’or et la pourpre qu’ils doivent loger leur grandeur, et celle de leurs peuples. Le Germain d’autrefois n’apercevait la Rome des Augustes que nimbée d’or, tuilée d’or, plaquée d’or, et le Germanique du haut Moyen Age, même apanage de l’empire d’Occident, continua de tourner son respect vers la Byzance dorée des Porphyrogénètes, jusqu’au jour où son Barberousse lui étala sur la rive rhénane cette Mayence, sinon d’or, du moins de bois doré, où tous les seigneurs laïques et ecclésiastiques de la terre allemande et les ambassadeurs du monde chrétien vinrent aux beaux jours de 1184 saluer la Majesté impériale : désormais, la splendeur de Barberoussea pesé comme un ruineux souvenir sur les épaules de tous ses successeurs.

Mais, — troisième devoir, et plus impérieux et plus coûteux encore, — c’est aux bénéfices reçus annuellement par chacun d’eux que les fidèles Allemands ont toujours mesuré la valeur de