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qui, très modeste d’abord, s’est enflé impérialement : sans trop regimber, l’Allemagne en a consenti le triplement, le quadruplement, le quintuplement, à mesure qu’en bénéfices sonnans, elle espérait en recueillir les fruits. Où sont les jours où le premier des Hohenzollern prenait l’Empire à forfait moyennant, un revenu de six cents millions de marks ? Il est vrai qu’en ces années 1875-78, l’Empereur, ne faisant pas ses frais, imputait au crédit de l’Empire un passif presque constant. Les années ont passé : le revenu multiplié n’a pas supprimé le passif ; apparent ou masqué, il est resté de coutume ; l’équilibre n’a jamais été assuré que par des recours aux prêteurs, et la dette impériale s’est enflée dans la même proportion que le budget :

Budget de l’Empire (en millions de marks)


1875 1885 1895 1905 1910
Revenus 571 593 1 224 2 005 2 943
Dépenses 634 614 1 239 2 068 3 024
Dette de l’Empire


1870 1875 1885 1895 1905 1910
485 120 551 2 201 3 323 5 016

En ce budget de trois milliards sept cents millions (1913), l’administration intérieure ne figurait que pour une centaine de millions ; l’assistance sociale, l’instruction publique et tous autres travaux publics que les chemins de fer en étaient exclus ; les dépenses militaires, navales, diplomatiques et financières montaient, à elles, seules, à deux milliards huit cents millions. L’Allemagne de 1913 payait cette rente magnifique pour soutenir l’édifice de l’Empire bismarckien, dont la seule utilité était de la garantir contre tous les orages du dedans et du dehors et d’assurer son exploitation sur les territoires arrachés par la violence bismarckienne aux voisins du pourtour, sur l’Europe agenouillée devant l’hégémonie prussienne, sur le monde destiné à la conquête industrielle et commerciale de l’impérialisme allemand… Deux milliards huit cents millions sont une belle prime d’assurance.

Devant ce budget, les mêmes questions viennent à l’esprit que devant les somptueuses colonnades du prince-évêque de Wurzbourg. Quand Franz et Karl de Schönborn, les évêques sérénissimes, construisaient, de 1720 à 1744, ces 500 mètres de façades, percées de 947 fenêtres, divisées en 312 chambres,