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des tranchées. Par une pluie froide, les hommes, crottés jusqu’au menton, avaient une attitude étonnante. Ils étaient jeunes presque tous, extraordinairement jeunes. Des visages imberbes, mais une attitude si martiale et les regards si résolus !

Je me souviens notamment d’un de ces Marie-Louise de l’Argonne, un petit caporal tout jeunet qui attirait l’attention par sa fière contenance. Le général s’arrêta devant lui pour l’interroger. « C’est le meilleur bombardier du bataillon, dit le commandant. Il n’a pas son pareil pour lancer les grenades. Il est ici depuis trois mois ; à la première occasion, nous le faisons sergent. » Vraiment, on pourrait dire d’eux ce que l’Autre disait de ses conscrits : « L’honneur et le courage leur sortaient par tous les pores. »

Beaucoup des officiers, qui les commandent sont d’ailleurs aussi jeunes qu’eux. Il nous est arrivé dernièrement tout un lot de sous-lieutenans constitués par les admissibles à Saint-Cyr. Ils arrivaient pleins d’entrain et d’élan, prêts à se donner de tout leur cœur, de toute leur âme, à leur mission.

Il n’est pas rare de voir, de-ci de-là, briller la croix d’honneur sur une de ces poitrines de vingt ans. Certains de ces officiers ont déjà reçu deux ou trois blessures. Ce sont des vétérans, riches d’expérience et pleins de leçons. Les soldats ont pour eux un respect mêlé d’admiration.

Quel début dans l’existence, quelle magnifique entrée dans la vie ! Les plus doux rayons du soleil levant ne sont rien à côté de ces premiers rayons de la gloire pour un cœur de vingt ans. C’est un soldat, Vauvenargues, qui l’a dit !


17 février. — C’est aujourd’hui le jour fixé pour l’offensive, sur notre gauche, dans la région des Hurlus. Notre corps d’armée a pour mission d’entretenir, sur tout son front, une activité très grande, afin que les Allemands ne puissent distraire d’ici aucune troupe. Une très violente canonnade se fait entendre toute la journée vers l’Ouest. Notre division de droite exécute toute une série d’opérations. Elle essaie de faire sauter un blockhaus allemand situé sur la rive droite du ruisseau de la Fontaine-aux-Charmes. Tout ce qui n’est pas détruit par l’explosion est canonné à bout portant par une pièce de 65 qui tire à quatre cents mètres.