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évoque à nos pensées sept siècles de bonté française, et qui, pressant sa marche pour mettre sa bienfaisance au pas de notre siècle, de maison hospitalière se fait enfin atelier d’apprentissage.

Pourtant la tâche est trop lourde pour que d’ores et déjà le concours très large des œuvres privées ne soit pas indispensable. On parle d’établir deux cent cinquante à trois cents lits à Reuilly. Il faudra nécessairement de deux choses l’une, ou qu’une faible partie seulement des soldats aveugles y soient admis, ou que chacun y demeure un temps très insuffisant pour achever sa rééducation. L’Association Valentin Haüy, qui depuis vingt-six ans qu’elle a été fondée par un aveugle est venue en aide déjà à plus de dix mille aveugles, s’est immédiatement mise à l’œuvre avec une patriotique ardeur. Elle fait visiter les soldats aveugles par les correspondans et les amis qu’elle a un peu partout, qui se chargent de les réconforter et de leur apporter l’alphabet Braille et toutes les méthodes spéciales dont elle dispose ; elle mettra à leur portée le trésor des quarante mille volumes qui composent sa bibliothèque en points saillans ; grâce à de généreuses donations, elle entreprend à ses frais des apprentissages, à Paris et en province. La compétence unique de son nombreux personnel nous assure que sa tâche sera remplie au mieux des intérêts de ses pupilles.

Enfin la Société des Amis des soldats aveugles a été fondée voici quelques mois, sous la présidence de M. Vallery-Radot en vue de compléter l’œuvre des Quinze-Vingts et de l’Association Valentin Haüy. La présence à son comité, en qualité de secrétaire, du directeur de la maison de Reuilly, manifeste l’étroite collaboration des deux œuvres. La Société se définit elle-même « une grande œuvre adjuvante, » destinée à s’occuper des cas d’espèce, de la partie individuelle de l’assistance, celle qui relève essentiellement des œuvres privées, à replacer l’aveugle dans son milieu, à le suivre chez lui. Son but, identique en somme à celui de l’Association Valentin Haüy, mais spécialisé aux seuls aveugles de la guerre, est de « faciliter à ses protégés l’apprentissage ainsi que l’exercice d’un métier, et même la fondation d’un foyer. » Nous n’avons garde de lui reprocher de faire double emploi. Pourvu que les œuvres qui travaillent au même but aient soin de s’entourer des compétences nécessaires pour mener à bien une tâche aussi délicate, de coordonner