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créés Turpin. C’est ainsi que l’Angleterre emploie aujourd’hui la lyddite, qui est très analogue à notre mélinite.

Quant à l’Allemagne, elle charge, ainsi que plusieurs autres pays, ses obus explosifs au moyen du trinitrotoluène ou trinitrotoluol, qui est, comme nous allons voir, un très proche parent de la mélinite.

Le trinitrotoluol (ou trinol comme l’appellent par abréviation nos ennemis) est au toluol ce que le trinitrophénol ou acide picrique est au phénol, c’est-à-dire qu’il est dérivé par nitrification du toluol, qui est lui-même, comme le phénol, un dérivé par distillation des huiles légères du goudron de houille.

Le trinitrotoluol est un corps cristallisé, incolore, fondant à 82° environ. Il est fabriqué actuellement en Allemagne surtout à l’usine Carbonit à Schlebusch, près de Cologne et aux usines Allendorff à Schœnbeck-sur-Elbe. Lorsque nos escadrilles de bombardement étendront un peu leur rayon d’action, elles ne devront pas oublier ces objectifs de choix.

Les propriétés du trinol sont analogues à celles de l’acide picrique ; pourtant il est d’un amorçage beaucoup plus difficile. C’est à cela sans doute qu’il faut attribuer en partie les nombreux ratés des obus explosifs allemands. En outre, il est absolument certains, — mes lecteurs n’attendent point de moi que je leur en donne les raisons, — qu’à charge égale, les obus explosifs allemands sont beaucoup moins efficaces que les nôtres.

Il est très probable que les matières premières nécessaires à l’intense fabrication actuelle de trinol en Allemagne, et qui sont l’acide nitrique et le goudron de houille, ne doivent pas être en quantités très rassurantes pour nos ennemis. En ce qui concerne l’acide nitrique, nous avons déjà examiné la question. Pour le goudron de houille, une information récente parue dans la presse nous a ouvert des horizons bien suggestifs : elle nous annonce qu’une note officielle du gouvernement allemand recommande dans un but patriotique à ses sujets de brûler le moins possible de houille et de faire leur cuisine sur les réchauds à gaz.

A priori, cette intervention de la sentimentalité patriotique dans l’élucubration du pot-au-feu pouvait paraître étrange, même en un pays où pour trouver des « délicatesses » on en est réduit à fréquenter l’étal des charcutiers. Mais, à la réflexion, tout s’explique : en leur recommandant la cuisine au gaz, le gouvernement allemand entend faire participer les petites nièces de Marguerite et de Dorothée au chargement des obus explosifs. En effet, en brûlant du gaz au lieu de