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houille, la germanique cuisinière fournit à son pays, grâce à la distillation de l’usine à gaz, du toluol. Elle lui fournit en même temps de l’acide nitrique, puisqu’on sait fabriquer aujourd’hui celui-ci au moyen des sels ammoniacaux qui sont un autre produit des usines à gaz. Heureuse Gretchen ! tandis qu’elle fait mijoter la maigre pitance à laquelle les méchans Anglais l’ont condamnée, elle doit songer que si elle ne s’en engraisse guère, un juste orgueil gonflera du moins son cœur sentimental. Qu’importe si sa cuisine laisse son ventre creux, puisqu’elle remplira le ventre insatiable des lourds obus. Pauvre, pauvre gouvernement qui en est réduit déjà à de telles ressources !


Il n’y a pas aujourd’hui que nos canonniers pour déverser sur l’ennemi des projectiles explosifs. A cet égard les fantassins ne leur cèdent pas et on a vu reparaître parmi eux, munis d’engins terribles et bruyans, ces preux surannés aux noms galans et fiers qui sonnent comme le clair métal : les grenadiers, les bombardiers.

Ce n’est point l’heure ni l’endroit de dire comment sont agences les fruits meurtriers à l’écorce d’acier, bombes, pétards, grenades, mines aériennes, dont tous ces braves arrosent les Teutons d’en face. Ce qu’on peut dire parce que tout le monde le sait, c’est que, parmi les explosifs dès longtemps connus dont sont chargés ces engins, il faut citer comme les plus employés la poudre noire, la mélinite et la cheddite.

Des deux premières, nous avons donné déjà quelques notions. Quant à la cheddite, elle était depuis longtemps utilisée dans l’industrie. Son nom lui vient du village de Cheddes, dans les Alpes, où elle a été d’abord fabriquée en grand.

Dans les considérations générales par lesquelles nous avons inauguré ces chroniques sur les substances explosives, nous avons remarqué que les supports les plus communs et du meilleur rendement de l’oxygène, étaient le chlore et l’azote, et que par conséquent les composés nitriques ou chlorés devaient être parmi les constituans des explosifs en général. Les poudres et explosifs que nous avons examinés jusqu’ici étaient tous à comburant nitrique. La cheddite au contraire est à comburant chlorate.

Dès la découverte du chlorate de potasse (qui entre parenthèses et comme tant d’ingrédiens homicides est aussi un agent médicinal), la facilité d’explosion et la puissance des mélanges formés par ce corps et les corps combustibles amena des tentatives multiples pour