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en guerre. Quoiqu’il convienne de n’accueillir qu’avec réserve les rumeurs qui s’en échappaient, on ne saurait les passer complètement sous silence, alors que leur vraisemblance est établie par ce fait que, depuis la scène qui s’était déroulée à San Remo, à la veille de la mort de Guillaume Ier, son petit-fils était brouillé avec sa mère et que cette situation se prolongea jusque vers la fin d’avril.

À cette date, la reine d’Angleterre était arrivée à Charlottenbourg. Elle venait prêter à sa fille, dans les douloureuses circonstances que traversait celle-ci, son assistance maternelle et tenter de la réconcilier avec son fils. Elle passa deux jours auprès d’elle et s’entretint à plusieurs reprises avec lui. On a raconté qu’il s’était d’abord conduit de manière à la convaincre qu’il ne lui portait pas des sentimens meilleurs que ceux qu’il portait à ses parens. Mais ce récit est dépourvu de preuves, tandis qu’il est certain que lorsque, quarante-huit heures plus tard, elle partit pour rentrer à Londres, la mère et le fils étaient réconciliés. Il est vrai que la Reine, étant allée à Berlin, avait vu le prince de Bismarck et que, peut-être, il n’était pas étranger au rapprochement. Il reconnaissait après son départ qu’elle s’était « très bien comportée, » et en effet, en causant avec lui de l’opposition qu’il avait faite au mariage de la princesse Victoria avec le prince de Battenberg, elle lui avait donné raison.

— Je l’ai dit à ma fille, avait-elle ajouté. C’est très bien de ne pas oublier sa patrie et de lui faire avoir autant d’avantages qu’on peut. Mais elle ne doit pas oublier qu’elle a besoin de l’attachement des Allemands et que son devoir est de tout faire pour se le gagner.

Marie-Thérèse d’Autriche n’eût pas parlé autrement à Marie-Antoinette et on peut supposer que Bismarck, ravi de l’appui que lui apportait la reine d’Angleterre pour résoudre une question depuis longtemps fertile en embarras et en querelles, lui aurait exprimé sa gratitude en poussant le kronprinz dans les voies de la réconciliation. Reste cependant la question de savoir si cette réconciliation était sincère. Il est permis d’en douter lorsqu’on lit dans un rapport diplomatique le récit d’une scène violente entre la mère et le fils, dont le palais de Charlottenbourg aurait été le théâtre, peu de temps après le séjour de la reine Victoria. L’Impératrice ayant reproché au kronprinz de se