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excessive les canaux de la circulation, ces milliards pourront amener une hausse des prix et provoquer des excès de spéculation. Mais il est plus facile de se garer d’une abondance de ressources que de suppléer à celles qui feraient défaut. Nous ne saurions être très inquiets sur le sort de nos amis Yankees, écrasés sous le poids de nos lingots. Nous pensons que ces arrivages de numéraire auront un double résultat : ils permettront aux Français et aux Anglais, possesseurs de titres américains, de les réaliser dans de bonnes conditions ; ils inciteront les capitalistes d’outre-Atlantique à nous prêter de l’argent, c’est-à-dire à acquérir les rentes que nous sommes disposés à leur vendre. Il y a un demi-siècle, lors de la guerre de Sécession, le président Lincoln émettait, pour se procurer des ressources, des obligations 6 pour 100 qui furent souscrites en grandes quantités à Paris et à Londres. Aujourd’hui, où nous menons une guerre, dont l’issue en notre faveur n’est pas moins importante, pour l’humanité, que ne le fut, pour elle, la victoire des Fédéraux en 1865, il est naturel que les Américains nous soutiennent, en nous confiant leurs fonds comme nous le fîmes alors. Ils ont, eux aussi, l’occasion de faire un excellent placement, en acquittant une dette de reconnaissance et en travaillant pour la civilisation. Pour ceux qui redoutent, à tort ou à raison, l’irruption de notre or à New-York, c’est une manière de détourner en partie ce courant et de retenir sur les rives de la Seine et de la Tamise les espèces dont on n’a plus besoin sur celles de l’Hudson. De nombreux monumens ont été élevés à Washington et à La Fayette par les deux Républiques qui se tendent la main à travers l’Atlantique. La statue de la Liberté, œuvre d’un Français, se dresse fièrement à l’entrée de la rade de New-York. Si nos amis ne sont pas encore disposés à suivre le chemin que leur indique leur ancien président Roosevelt, ils jugeront tout au moins qu’une alliance économique plus intime doit être scellée entre nos pays : il leur est facile d’accomplir ce qui reste à faire à cet égard en souscrivant à l’emprunt qui vient d’être conclu et qui leur donne la signature de la France et de l’Angleterre.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.