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— qu’il parlait de l’Alsace-Lorraine pour l’exclure de nos revendications et l’émotion de la Chambre s’est traduite par des protestations indignées. L’unanimité sur le point qui nous touche le plus s’est manifestée avec une sorte de violence. M. Briand l’a constatée et il a demandé, « puisque nous avons, hélas ! une longue route à parcourir ensemble avant d’atteindre notre but, à quoi bon des discussions et pourquoi nous séparer pendant la marche? » Jamais observation n’a été plus sage. M. Briand a continué en opposant la France, qu’on ne saurait accuser d’être une nation de proie et qui, quarante-cinq ans, a fait tant de sacrifices au maintien de la paix, à l’Allemagne qui, non contente des immenses profits qu’elle a tirés de sa victoire, a rêvé d’étendre par la force brutale son hégémonie sur le monde entier. En faisant allusion à ses emblèmes : « Tant qu’elle gardera, a-t-il dit, ses serres, son bec et ses intentions homicides, il ne saurait être question de paix avec elle. C’est seulement lorsqu’elle se sera résignée à reprendre son rang parmi les nations avec la pensée de se développer selon son génie en respectant le génie des autres, c’est seulement lorsque nous l’aurons mise dans l’impossibilité d’attenter à l’indépendance des autres peuples, que nous pourrons parler de la paix. » La Chambre a couvert d’applaudissemens ce passage de son discours où M. Briand a indiqué à la fois l’étendue de nos résolutions et aussi leurs limites. C’est à nos yeux le programme de l’avenir.


Mais, comme l’a dit M. le président du Conseil, nous avons encore une longue marche à faire et les incidens qui se sont passés depuis quelques jours en Orient ne sont pas de nature à en abréger le parcours. La situation de la Grèce reste troublée, incertaine, inquiétante: il semble qu’on y soit toujours à la veille d’une surprise nouvelle. Quoi de plus naturel, puisque le Roi gouverne avec une constitution faussée et un ministère que la majorité parlementaire est toujours maîtresse de renverser? Chambre et gouvernement, lorsqu’ils sont enfermés face à face dans le même local, arrivent vite tous deux et l’un contre l’autre au paroxysme de l’énervement. Alors la moindre étincelle allume un incendie. Un de ces derniers jours, le ministre de la Guerre s’est déclaré insulté, et il est parti en faisant claquer les portes. Cette incartade a révolté la Chambre. M. Zaïmis, sentant son ministère ébranlé, a voulu avoir un vote de confiance pour le remettre en équilibre. Aussitôt M. Venizelos a pris la parole : la question politique se trouvant posée, il n’a pas cru pouvoir garder le silence, ni donner plus longtemps l’appui de la majorité dont il