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criminalité sociale dans les mœurs et des pénalités qu’il y a lieu de lui réserver. Cette campagne datait déjà d’un peu loin, et elle trouvait surtout en Suisse et en Angleterre les plus ardens propagandistes. Si on la dégage de bien des surcharges, on y voit persister et faire son chemin l’idée qu’on peut formuler ainsi : la personne humaine ne peut pas et ne doit pas être l’objet d’un trafic. — Or, ajoute-t-on, pourquoi ce trafic international de la traite des blanches s’est-il ainsi répandu, sinon parce que, dans chacun de vos pays respectifs, vous tolériez, vous protégiez même le commerce que vous savez ? — Ce raisonnement pourrait mener loin dans la voie des bonnes intentions et aussi dans celle de l’utopie. M. Bérenger vit plutôt avec déplaisir cet élargissement du problème : il estimait qu’on y mêlait prématurément trop de questions et trop de questions douteuses, que, dans le souci de vouloir protéger les mœurs de toutes les femmes, on risquait d’oublier, qu’on oubliait trop en effet les intérêts plus pressans de celles qui étaient victimes de fraudes et d’abus de confiance ou d’autorité. Il était pressé de bien mettre en état et en mouvement toutes les organisations destinées à resserrer, sur tous les points du monde, la résistance aux vrais crimes et aux délits du caractère desquels il est impossible de douter.

Il ne doutait pas — on le sait — du caractère criminel ou délictueux d’actes qu’il gémissait de voir trop impunis, comme la propagande néo-malthusienne et la pornographie. Les grands discours de réunions publiques sur le droit de disposer de soi-même absolument comme on l’entend (comme si le devoir n’était pas précisément fait pour en limiter les fantaisies et en corriger les abus), les programmes très mêlés de l’Eugénique ou art de choisir les meilleurs progéniteurs de l’un et de l’autre sexe et d’obtenir qu’on neutralisât les autres, rien de cela ne pouvait l’émouvoir, — sinon pour accroître encore sa sincère indignation. La tâche qu’il avait assumée de poursuivre partout les infractions contre les mœurs (punies ou impunies, prévues ou non par le Code), faisait tomber entre ses mains des documens trop infects pour qu’il y rencontrât rien de vraiment scientifique. Il y voyait tous les jours la polémique néo-malthusienne empruntant les argumens les plus déprimans pour l’énergie individuelle, les plus pernicieux pour la vie de famille, les plus menaçans pour l’avenir de la puissance