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Dans la capitale chinoise, à côté du lit d’agonie de la dynastie impériale, se trouvait un homme habile et plein de ressources. C’était Yuen Chekai, ancien vice-roi disgracié par la Cour comme traître au précédent Empereur et que celle-ci, dans sa détresse, avait fait venir auprès d’elle, ainsi qu’on appelle un médecin renommé dans les cas désespérés ; elle se passait ainsi elle-même au cou le lacet qui allait l’étrangler.

Cet ancien mandarin, auquel un devin avait jadis promis l’Empire, ambitionnait le pouvoir pour lui-même ; il orienta dans ce sens sa politique. Il poussa doucement la Cour dans les voies de l’abdication dont il fit un objet de marchandages avec l’Assemblée républicaine de Nankin pour se faire donner le pouvoir ; mais les hommes qui venaient de faire la révolution connaissaient trop bien le personnage pour lui remettre la direction des affaires qu’ils venaient de conquérir, sans y être forcés par une réunion de circonstances plus puissantes que leur volonté. Établir le nouveau régime, organiser l’administration de la République ne se pouvait faire sans argent, et les coffres étaient plus vides que jamais ; pour réaliser une telle entreprise, le concours des étrangers leur était absolument nécessaire.

Aussi, toute la politique de Yuen consista-t-elle à priver les républicains de ce concours, et à se le faire donner à lui-même, afin de s’en servir pour la réalisation de ses desseins. En cela, il fut admirablement secondé par la diplomatie russe, nécessairement hostile à tout établissement d’une république en Chine. Bientôt, le consortium fut obligé d’admettre dans son sein la Russie et le Japon, bien que ces Puissances ne fussent pas prêteuses ; le groupe devenait donc sextuple. Il prit, dès lors, le parti de ne mettre sa confiance qu’en Yuen Chekai, c’était à lui seul qu’on consentirait désormais les emprunts nécessaires à l’organisation du pays sur des bases modernes.

Les républicains de Nankin restaient abandonnés à leur sort, les vivres leur avaient été coupés ; Yuen était devenu président de la République, l’Assemblée s’était transportée à Pékin où l’ancien vice-roi la maintenait dans l’impuissance. Celui-ci, habilement soutenu dans le consortium lui-même par certains élémens du groupe, où la diplomatie dominait maintenant la finance, en amenait rapidement l’ensemble à soutenir une future dictature à son profit.

En présence des difficultés multiples qui surgissaient chaque