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est convaincu par la raison qu’il est un Dieu, tout homme en est persuadé par son cœur. En effet, avec quelque prodigalité que la Nature étale les preuves magnifiques de l’existence de son Auteur, ce concours de démonstration, également frappante et touchante, n’équivaut pas pour le commun des hommes à ce cri de l’âme : « Il faut à notre faiblesse une Divinité qui nous protège. Il est des oppresseurs ; il est des opprimés. Il est donc un Dieu qui punit et qui récompense. »

Voilà, d’un bout du globe à l’autre, le cri de ralliement de l’Humanité.

La discorde des élémens et les crimes de ceux qui gouvernent les nations ont tellement frappé tous les hommes qu’ils ont fait naître également dans la religion des peuples barbares et dans la tête des philosophes le système de deux principes générateurs du bon et du mal. Nous sommes à nous-mêmes un si étrange problème ; le mal physique et le mal moral qui règnent dans l’univers semblent une énigme si inexplicable ; l’homme, abandonné aux seules lumières de sa raison, est si versatile, si ballotté entre la vérité et les objections dont les sophistes s’efforcent de l’obscurcir ou de la détruire, que toutes les nations de la terre, avant que la Révélation les eût éclairées, pour faire Dieu juste l’ont fait inconséquent.

Il était bien plus simple d’attribuer le mal moral à la liberté de l’homme et le mal physique à la punition du mal moral, el surtout il paraissait plus naturel de se former un tout autre système que celui où il faut dévorer une foule d’absurdités.

En effet, l’un des principes est subordonné à l’autre, ou il est son égal. Sont-ils subordonnés ? Lequel des deux, qui est dépendant, cesse d’être principe ? Sont-ils égaux ? Il faut que l’un se repose lorsque l’autre agit. Voilà donc une première c ; ause qui subsiste sans être active. Sont-ils d’accord ? Le Dieu du bien approuve le mal ; ce qui n’est pas différent de le faire. Se combattent-ils sans cesse sans se détruire ? Oh ! quels malheureux êtres vous faites de vos dieux ! Obéissent-ils tous deux à une Divinité supérieure ? Le génie du mal atteste la méchanceté de son maître et le génie du bien sa faiblesse. On ne parviendra pas à détruire cette hydre de contradictions.

Cependant, que conclurons-nous de cet accord imposant de tous les législateurs, de tous les philosophes, de tous les poètes sur la doctrine des deux principes ? Que le spectacle continuel