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que le Français ou l’Anglais les qualités nécessaires pour être un bon colonisateur, soit dans des terres désertes, soit auprès de populations indigènes qu’il convient d’apprivoiser. Peut-être bien qu’après quelques années d’essais plus ou moins fâcheux et en y appliquant leur esprit de méthode et de persévérance, les Allemands auraient pu à la longue se former un corps d’administrateurs coloniaux ayant l’expérience et les qualités désirables ; peut-être que leurs colons, nombreux et prospères au Brésil, auraient fini par s’acclimater dans les terres au moins aussi salubres de l’Afrique allemande. Mais ce qu’il importe de noter, c’est que ni la masse de l’opinion publique allemande, ni le gouvernement lui-même ne se sont réellement préoccupés de ces questions, à l’époque où l’Empire envoyait précisément au dehors des centaines de milliers d’émigrans qui auraient pu lui faire désirer posséder quelques colonies, propres au peuplement européen. Bien loin de considérer alors, comme les pangermanistes d’aujourd’hui, que là où vivent des sujets allemands, là doit flotter le drapeau de l’Empire, les hommes du temps de Bismarck et Bismarck lui-même pensaient que le vrai moyen de fournir à l’Allemagne industrielle la clientèle extérieure nécessaire à la vente de ses produits, c’était de disséminer par le monde, et sous n’importe quel pavillon, des sujets allemands, représentans ou consommateurs de marchandises allemandes.

Sans discuter non plus le plus ou moins bien fondé de ce principe, ni reprendre les séculaires discussions entre partisans ou adversaires de tout système colonial, bornons-nous à constater ici que les voies suivies en la matière par cette politique allemande semblent avoir effectivement stimulé d’une manière remarquable l’essor économique du pays. Il n’est pas du tout certain que l’Allemagne eût trouvé dans des colonies nouvelles, c’est-à-dire dans des sociétés naissantes et nécessairement débiles, le rapide accroissement d’influence politique et commerciale que lui a certainement valu la diffusion de tant de milliers de ses nationaux parmi presque toutes les sociétés organisées du monde moderne. Si ces colons, intelligens, actifs et prolifiques, avaient méthodiquement peuplé des terres vierges, domaines de l’Empire allemand, il n’est pas douteux qu’ils n’eussent, au bout de deux ou trois générations, pu constituer pour cet Empire de magnifiques colonies ou protectorats,