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griefs, réels ou imaginaires, que l’on oppose, de l’autre côté des Pyrénées, à nos avances amicales.


C’est presque une banalité de dire que personne, en Espagne, ne veut la guerre, pas plus contre nous que contre nos ennemis. Les exceptions sont une minorité infime, composée, soit à droite, soit à gauche, de professionnels de l’opposition, qui n’ont aucune influence sérieuse sur la politique Cette attitude neutraliste, nettement affirmée dès le début des hostilités, ne s’est pas démentie depuis. Voilà le fait. Il faut en tenir grand compte, sans néanmoins considérer ce parti pris d’abstention comme un dogme intangible. Chez nous non plus, personne ne voulait la guerre. Même le 31 juillet 1914, après le décret de mobilisation générale, il y avait encore des gens qui espéraient que tout finirait par s’arranger. A n’en juger que par l’état de l’opinion et par le ton de la presse, il semble bien que, après quinze mois, la sainte horreur des Espagnols pour la guerre se soit encore accrue. On croirait que plus elle s’éternise, plus elle accumule de ruines et d’atrocités, plus nos voisins s’épouvantent des risques qu’une intervention armée leur ferait courir.

Mais, parmi cette immense majorité de neutralistes, il convient de distinguer des groupes de toutes couleurs et de toutes nuances. Allons d’abord à ceux qui passent pour nous être le plus hostiles : les conservateurs, les carlistes, les catholiques. Mais j’ai tort de dire : les catholiques, car toute l’Espagne en bloc est catholique. Disons plus justement : le clergé. Et encore faut-il mettre à part de l’énorme masse démocratique des curés de campagne, à part des moines, des réguliers de toute espèce, qui sont hautement germanophiles, un certain nombre de membres du haut clergé, évêques ou professeurs ; esprits ouverts et cultivés, renseignés sur les choses d’Allemagne, — qui penchent secrètement du côté de la France et de ses alliés.

Tous ces abstentionnistes convaincus ne sont pas également fixés dans leurs préférences. Les indécis sont en bien plus grand nombre qu’on ne le croit, même en Espagne. Comme les intransigeans, ils ne veulent pas entendre parler de la guerre : c’est une question réglée. Mais cela posé, auxquels des belligérans vont-ils accorder leurs sympathies ? Ils hésitent. Ils pèsent