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publiquement. D’ailleurs, tous se retranchent derrière la neutralité prescrite par le Saint-Père. Si l’on insiste, en invoquant contre le germanisme les livres de propagande française, notamment La guerre allemande et le catholicisme de Mgr Baudrillart, ou bien ils confessent qu’ils ne les ont pas lus, ou bien ils en réprouvent les tendances. L’un d’eux, qui dirige une grande revue catholique, me disait :

— Tout cela, ce sont des constructions a priori ! On peut tirer de Kant, de Hegel et de Nietzsche tout ce qu’on voudra. Il n’y a que les faits qui comptent, et les faits que l’on m’apporte sont contestables, ou excusables par les nécessités de la guerre…

Un autre s’élevait doucement contre le caractère confessionnel de ces brochures :

— A quoi bon, me disait-il, compromettre la religion dans cette affaire ? Pourquoi la mêler aux passions et aux ambitions humaines ?… Non, non, la religion est au-dessus du conflit, elle ne doit pas descendre dans l’arène. Sans doute, on peut se demander ce qui vaut mieux pour le catholicisme, de quel côté est son intérêt. En réalité, nous ne le savons pas encore. Quelle audace d’anticiper ainsi sur l’avenir ! Et disserter par avance sur les conséquences religieuses de la victoire germanique, n’est-ce pas empiéter sur les desseins de la Providence ?… Non, je vous en prie, laissons la religion en dehors de nos querelles !

Et, avec les démonstrations les plus flatteuses, on vous reconduit à travers les salles de réception, jusqu’à la porte de l’antichambre. Le visiteur s’en va ravi de tant d’aménité et de souplesse d’esprit, personnellement touché de tant de bienveillance. Mais il n’a rien obtenu, pas même la faveur d’une discussion sérieuse.

Ainsi voilà des catholiques qui croiraient diminuer la religion, s’ils lui demandaient de juger la conduite humaine ! Ils prétendent que le cas exceptionnel qu’on lui soumet est terriblement obscur et que l’on s’expose, en réclamant son arbitrage, à la faire servir aux passions politiques. Cependant, il en est d’autres qui ne s’en privent pas, qui paraissent même ne chercher dans la religion qu’un excitant des passions politiques. La plupart de ces fanatiques se recrutent surtout dans le camp carliste. Néanmoins, une foule de catholiques conservateurs, quelques-uns même libéraux, m’ont tenu un langage, sinon