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On a beau alléguer que l’auteur appartient à une minorité politique et que c’est l’impérialisme carliste dont il se fait le porte-voix : il n’en est pas moins vrai que, grâce à lui, la formule carliste de la politique extérieure de l’Espagne est devenue la formule même du nationalisme espagnol. La majorité de la nation adopte son programme. Il faut avouer d’ailleurs qu’il a su lui donner une apparence de solidité, qu’il l’a étayé de considérations historiques et géographiques, sans doute aussi spécieuses que superficielles, mais capables d’éblouir des lecteurs ou des auditeurs peu exigeans. De loin, cela a l’air de quelque chose. Le fait est que beaucoup s’y laissent prendre.

Ceux-là ne se demandent pas de quel prix ils paieraient la réalisation de ce mirifique programme. On ne veut pas penser que la vassalité de l’Espagne, réduite au rôle de lieutenant de l’Allemagne, en serait l’inévitable condition. Et même, osons descendre jusqu’au fond de certaines consciences, il y a peut-être des gens que cette vassalité ne scandaliserait pas trop, qui s’en accommoderaient même fort bien. Le prestige de l’Empire cacherait les dessous un peu humilians de l’aventure. On serait les associés d’une grande puissance, on ferait partie intégrante d’une grande force, on goûterait l’orgueil de collaborer à une grande œuvre. Sans doute, il faudrait pour cela marcher sous la bannière germanique. Mais on aurait mauvaise grâce à trop insister sur ce point. On ne veut considérer qu’une chose : l’amitié flatteuse de la colossale Allemagne. Tout cet été, à Madrid, les lecteurs des feuilles germanophiles se disaient d’un air pénétré : « Notre ambassadeur, à Berlin, est le premier personnage après le Kaiser ! » Et les naïfs de renchérir : « L’Allemagne est notre amie : elle nous donnera ceci, elle nous donnera cela, — et encore cela !…. » Ah ! la généreuse amie !

Le beau de l’affaire, c’est qu’elle n’a jamais rien promis, en laissant entendre qu’elle était disposée à tous les cadeaux. On peut trouver bien de la puérilité dans ces illusions. Cependant, elles sont aussi tenaces qu’elles sont répandues. Ne nous le dissimulons pas : elles répondent au vœu intime de la nation. Sur Gibraltar, le Maroc et même le Portugal, libéraux et carlistes, républicains et catholiques sont presque tous d’accord. Il faudrait changer l’âme espagnole pour en extirper ces espérances.

Dans les partis les plus conservateurs, on accuse la France,