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permettrait-il de les franchir ? N’y a-t-il pas à notre portée des mécanismes imitant ceux de la progression animale ? Ou bien en arrivera-t-on à munir les têtes de convois de passerelles à poser sur les fossés, ruisseaux et fondrières ? Autant de questions auxquelles la pratique seule répondra, mais qui ne semblent pas dépasser les moyens de la science moderne.

On peut, d’autre part, aménager d’avance des pistes à travers les cultures, sans entraver celles-ci en temps de paix. Par exemple, on peut imposer des servitudes pour le raccord des chemins de terre et voies particulières, et aussi pour les clôtures, de façon à débarrasser les trajets des principaux obstacles, comme les murs, les fossés, les haies épaisses et ininterrompues, Si l’on réussit à créer l’automobile de pleins champs, les convois se déplaceront en ligne de front sur de grandes étendues et leur rapidité sera beaucoup accrue ; on décuplera et peut-être on centuplera le débit horaire du transport automobile. Une armée évoluera librement sur une province presque comme un bataillon sur un champ de manœuvre.

D’après un discours de M. Maurice Binder à la Chambre des Députés, nos parcs automobiles de la zone des armées, indépendamment de certains à-coups, transporteraient régulièrement chaque mois de 160 000 à 180 000 tonnes de matériel et environ 300 000 hommes. L’armée von Klück, dans sa marche débordante à grande vitesse vers Paris, comme des fractions des armées von Hindenburg en Pologne, ont employé la méthode suivante : un tiers de l’infanterie, 15 000 hommes, dit-on, pour l’armée von Klück, faisait route en automobile pendant que les deux autres tiers allaient à pied, en attendant qu’on revînt les prendre, à tour de rôle. Le trajet en voiture formait repos. On put avancer ainsi de 50 kilomètres par jour. On y employait 5 000 voitures. On a dit que l’état-major allemand avait réuni sur un seul front plus de 20 000 autos pour ce service.

Au début des hostilités, les Puissances belligérantes disposaient de 200 000 automobiles pour poids lourds, dont 90 000 en France, 70 000 en Allemagne, 55 000 en Angleterre, 25 000 en Autriche-Hongrie et 10 000 en Russie. Grâce aux mesures prises chez nous pour encourager la construction des poids lourds (camions ou tracteurs), nous nous trouvions donc en avance. Les véhicules primés devaient posséder une capacité de charge utile de 2 ou 3 tonnes à une vitesse de 15 kilomètres.