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demeurent : d’où frais énormes d’allocations aux familles, et de pensions aux veuves en cas de mort du père.

— Dans les classes pauvres, beaucoup de prétendus volontaires ont été poussés de force à s’enrôler (kicked out, chassés dehors à coups de pied), déclarent certains, par leurs femmes alléchées par la separation allowance.

— Un soldat volontaire, dit-on, vaut trois pressed men, affirmation plus que douteuse. L’exemple de l’armée allemande, de l’armée française, qui comprennent des hommes astreints, est là pour démontrer que le système de l’obligation peut produire d’admirables soldats.

— Le système volontaire consacre de grandes injustices. Il a pour conséquence que l’élément le plus noble, le plus courageux, d’esprit le plus élevé, les meilleurs de la nation se sacrifient et que beaucoup disparaissent, tandis que les couards et les lâches demeurent pour la continuation de la race. En outre, tandis que nombre d’ouvriers et d’employés abandonnent pour s’enrôler leur situation et leur salaire, les « embusqués » en profitent pour leur dérober les places et les emplois vacans.

Toutes ces inégalités, toutes ces injustices choquantes, seraient évitées par le service obligatoire.


Mais l’opinion publique anglaise, longtemps bercée par l’optimisme officiel du gouvernement, maintenue dans la quiétude par une presse à soothing syrup (potion calmante), tenue dans l’ignorance de la réalité des faits par une censure rigoureuse, ne s’est rendu compte que trop tardivement des exigences de la guerre, et de la nécessité de sacrifices de plus en plus grands.

Cependant, des journaux plus hardis lui avaient donné l’éveil, entre autres le Times et le Daily Mail. Le premier en dénonçant avec force au printemps dernier la crise des munitions, que le second n’hésitait pas à qualifier de shell scandal. On se rappelle qu’un désaccord des plus fâcheux et trop longtemps dissimulé, éclata entre lord Kitchener et sir John French, au sujet des obus explosifs, celui-ci se plaignant amèrement du manque de projectiles, et celui-là démentant officiellement le fait. Mais par les membres de la presse et du parlement, retour du front, par les lettres des officiers et soldats combattant en