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d’un pays qui n’était pas le leur, se prononcèrent pour le châtiment. Le vote qu’ils obtinrent eut pour conséquence lointaine la décapitation de Barneveldt. Il fallait que ceux qui n’avaient pas voulu croire à la dureté du Dieu souverain connussent la dureté des hommes. Plus ombrageuse que la Hollande, qui dès 1630 commença de tolérer l’arminianisme, Genève, elle, continua de veiller ; et lorsqu’en 1635 et 1637, un théologien de Saumur, Amyraut, se mit en quête d’un moyen terme entre la doctrine d’Arminius et celle de Calvin, Genève condamna. Et comme elle sentait le péril toujours latent, un formulaire fut rédigé, en 1647, par lequel les candidats au pastorat devaient promettre d’enseigner d’après le Synode de Dordrecht et de repousser la doctrine de l’universalité de la grâce ; et des thèses furent alignées, en 1649, que signèrent, au nom de la Compagnie des Pasteurs, son modérateur et son secrétaire, et qui précisaient avec une inflexible affectation d’exactitude la capricieuse rigueur du Très-Haut pour les pauvres humains.

Théodore Tronchin, gendre de Théodore de Bèze, avait, par raideur d’esprit et scrupule de foi, hérissé des murailles de plus en plus hautes autour de l’héritage théologique qu’il avait reçu de son beau-père ; il le transmettait à son fils Louis Tronchin comme une tradition sacrée. Mais il se trouvait que Louis Tronchin, intelligence cultivée, conscience amène et large, voulait, en protestant logique, penser par lui-même, et n’admettait pas, au dire de Bayle, « qu’un tel ou un tel, une académie, une université, pût l’amener à condamner quelque idée, s’il la trouvait juste. » Louis Tronchin n’était pas un maréchal d’orthodoxie, mais un homme de libre examen. « Ce sont des pédanteries, disait-il vingt ans plus tard à propos du règlement de 1647 et 1649 ; suivre le sentiment de nos pères, ce sont là maximes papistiques et anti-chrétiennes : si on avait toujours agi de la sorte, on n’aurait jamais eu de réformation. » Encore tout imbue de l’esprit de Théodore, la Compagnie des Pasteurs s’émut et délibéra : elle décida que sur l’heure tous ses membres devaient signer, et la formule de 1647, et celle de 1649. Et Louis Tronchin signa, ses amis aussi, mais en s’abstenant d’ajouter à la signature les mots : sic sentio, tel est mon avis. Ils promettaient du moins, ayant ainsi signé, de ne rien enseigner qui fût contraire aux dogmes les plus absolus de la prédestination. Mais ces formulaires devenaient une lisière : dans les