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en peinture par les portraits de guerriers, par l’illustration des légendes héroïques ou des terreurs de l’enfer (école de Tosa, makimono de l’enfer par Nobuzane).

Ici se place (XIIIe siècle) le grand événement qui obscurcit et interrompit, s’il ne la brisa pas, l’unité de l’Asie : l’invasion mongole. — « Ce n’était pas la première fois, écrit Okakura, que les guerriers des steppes mongoles apparaissaient dans les riches vallées de la Chine et de l’Inde. Les Huns et les Scythes avaient souvent réussi à imposer pour un temps leur joug sur les confins de ces contrées. Mais ils ne tardaient pas ou à être chassés, ou à être apprivoisés et finalement absorbés dans la vie pacifique des plaines. Cette dernière invasion mongole atteignit des proportions que le passé n’avait pas connues-Elle était destinée, non seulement à atteindre l’océan Pacifique et l’océan Indien, mais à traverser l’Oural et à dépasser Moscou. Les descendans de Gengis-khan établirent en Chine la dynastie des Yuen et régnèrent à Pékin de 1280 à 1368, tandis que leurs cousins commençaient contre l’Inde une série d’attaques qui aboutirent à la création de l’empire du Grand Mogol (1219-1526). Les Yuen restaient encore attachés au bouddhisme, bien que sous la forme dégénérée du lamaïsme. Les empereurs mongols de Dehli, qui marchèrent sur les traces de Mahmoud de Ghasni, avaient, en pénétrant dans l’Asie méridionale, embrassé la foi musulmane. Non seulement ils exterminèrent le bouddhisme, mais ils persécutèrent l’hindouisme lui-même. Ce fut pour la terre du Bouddha un coup terrible, lorsque l’Islam interposa entre l’Inde et la Chine une barrière plus haute que l’Himalaya. Le flot des communications, si essentiel au progrès humain, fut brusquement arrêté. Nos propres relations avec nos voisins du continent s’évanouirent de même après la tentative que firent les Mongols conquérans de la Chine d’envahir le Japon à la fin du XIIIe siècle, en contraignant la Corée à leur servir d’alliée. Leur attitude menaçante dura près de quarante ans. Le souvenir de notre amitié avec la Cour des Tang et des Song se perdit. Par la conquête mongole de l’Asie, la terre du Bouddha fut déchirée sans pouvoir de nouveau être unie[1]. »

Okakura compare l’effet de l’invasion mongole en Asie à

  1. Le Réveil du Japon, p. 10 à 13.