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l’Occident qui, d’un coup de sa baguette magique, nous a brusquement éveillés d’un sommeil séculaire. Mais c’est du dedans que vint la réelle cause de notre réveil. La conscience nationale avait déjà commencé de remuer lorsqu’en 1853 le commodore Perry atteignit nos rivages, et elle n’attendait qu’une occasion pour inaugurer un mouvement général de nationalisation[1]. »

Okakara énumère, parmi les causes principales de cette révolution qui a été surtout à ses yeux une restauration, trois mouvemens ou plutôt trois écoles distinctes de pensée qui auraient, l’une après l’autre, formé le Japon, d’abord à chercher et à apprendre, puis à agir, enfin à savoir quelle devait être son action. — La première de ces écoles, connue sous le nom de Kogaku (école de l’enseignement classique), a été, vers la fin du XVIIe siècle, le début de la réaction et de la protestation contre le dogmatisme étroit des académies officielles et gouvernementales. Les initiateurs de ce mouvement, se dégageant de l’interprétation qui avait, depuis le XIIIe siècle, avec Tchou-hi, transformé le confucianisme sous la double influence du bouddhisme et du taoïsme, revenaient au texte original et à la vraie doctrine du sage chinois. C’était comme une première réforme morale et politique ramenant la pensée japonaise au véritable.esprit de Confucius. — La seconde école, connue sous le nom d’école d’Oyomei (prononciation japonaise de Wang yang ming, général et lettré chinois du commencement du XVIe siècle), peut être désignée comme l’école de l’action. Les partisans japonais de cet enseignement considéraient que la connaissance n’est utile que dans l’action, que connaître, c’est être, qu’il faut vivre la vie même des sages, et consacrer toute l’énergie humaine au service de l’humanité. L’un des maîtres japonais de cette école qui enseigna aux environs de Kyoto, sur les bords du lac Biwa, y était appelé le Confucius vivant. Pour lui, à l’idée de la tradition devait s’ajouter celle du changement et du progrès. L’idée du changement avait pour symbole l’image du dragon, qui, perpétuellement en mouvement et en transformation, est l’esprit même de la vie. C’est surtout dans les provinces du Sud que se développa cette école d’Oyomei, notamment dans les deux provinces de Salsuma et de Choshiu, qui furent l’origine des clans militaire et naval de la Restauration, et où

  1. Le Réveil du Japon, p. 70.