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Les cordiers des quartiers du Nord ; les harenguiers de Normandie et du Pas-de-Calais ; les pêcheurs au maquereau des ports bretons, notamment du Conquet, de Camaret ; les sardiniers d’Audierne, de Concarneau, de Belle-Ile, des Sables, d’Arcachon, etc. Tous effectuent des campagnes de pêche sur des points et à des saisons parfaitement déterminés, par le passage du poisson.

A côté de ces vrais navigateurs, nous trouvons, parmi les gens de mer, un nombre considérable de professionnels auxquels il est difficile d’accorder la qualité de marin. Ce sont les pêcheurs de rivière, les parqueurs d’huitres de Concarneau, de Marennes ou d’Arcachon, les dragueurs de coquillage de Bretagne, les pêcheurs de côte de l’Océan, les boucholleurs de la Saintonge qui naviguent sur des bateaux plats en ayant toujours un pied dans la boue, les traîneurs de filet de la Dordogne, de la Gironde et de l’Adour.

Enfin, dans la Méditerranée, en dehors des sardiniers de Collioure et des inscrits qui pratiquent la pêche au bœuf à La Nouvelle, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Cette et Martigues, il est difficile d’accorder le qualificatif de marins à tous les autres pêcheurs. De Port-Vendres à Martigues, en effet, la plupart d’entre eux exercent leur industrie dans les lacs ou les étangs salés. Ce sont de bons vignerons qui vont tendre des nasses en vue de leurs villages sur les étangs de Gruissan, de Thau ou d’Aigues-Mortes. De Martigues à Nice, ils montent de petites barques appelées « pointus » qui sont incapables de tenir la mer et à l’aide desquelles certains d’entre eux se bornent à draguer de la vase pour en extraire des vers nommés « moredut » en langue provençale, qui servent à apprêter les lignes des amateurs marseillais.

Le grand tort du régime qui nous occupe, c’est de n’avoir pas maintenu de distinction[1] entre ces diverses catégories d’inscrits et d’avoir assimilé, par exemple, tant sous le rapport des pensions que sous celui de la mobilisation, un long courrier qui risque son existence au large à un gabarier qui descend mollement les rives fleuries de la Dordogne entre deux rangs de coteaux tapissés de vignobles ; d’avoir considéré du même œil bienveillant les Terre-Neuvas et les Islandais, d’une part, dont les jours se passent dans le froid et dans la tempête, et les

  1. Cette distinction, qui a été consacrée à plusieurs reprises dans notre législation, a toujours été supprimée sous la poussée des intérêts régionaux.