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opposé, la capitale du petit royaume, la ville ou bourgade de Cettigné. Depuis dix-huit mois aussi qu’ils la tenaient ou qu’ils auraient dû la tenir, pourquoi les États de la Triple, puis de la Quadruple-Entente ne l’ont-ils pas consolidée, renforcée encore et garnie de façon à la rendre inaccessible à l’ennemi ? Il est certain que l’on n’en a jamais tiré, soit pour la défensive, soit même pour l’offensive, le parti que l’on en eût pu tirer. De là, des batteries modernes auraient eu sous leur feu deux ou trois au moins des cinq échancrures qui forment les fameuses bouches de Cattaro, et jusqu’en ses repaires auraient inquiété la flotte autrichienne. Nous y avons bien, au début, hissé de grosses pièces, mais de vieilles pièces de marine, munies d’obus chargés à la poudre noire, d’une portée trop courte, et dont la fumée, à défaut d’autres indications, eût suffi à révéler l’emplacement. Tout récemment, on s’était enfin décidé à réparer une erreur aussi regrettable : un navire est parti d’un port italien, amenant du matériel perfectionné, mais il n’est pas arrivé, et l’on s’en console, médiocrement, en pensant que c’est autant de butin que les Impériaux n’auront pas fait. Seulement, si ce matériel avait été en place, le mont Lovcen n’aurait pas été pris : il eût fallu qu’il fût livré. Or il est certain, d’autre part, qu’il a été défendu héroïquement par les Monténégrins fidèles et par un détachement français contre une attaque d’infanterie poussée simultanément de Cavac, de Cuk, de Mirac, et qu’avait préparée un bombardement de terre et de mer.

Le Lovcen enlevé, Cettigné était aussitôt menacée, puis occupée. Les Autrichiens apparaissaient à Rjeca, à l’extrémité de la route qui, par Niegusci relie Cettigné même à Cattaro ; à Virpazar, au bout du petit chemin de fer qui descend, en se tortillant, vers Spizza et Antivari ; sur l’un et l’autre point, à douze ou quinze kilomètres de le corne Nord-Ouest du lac de Scutari. Il n’y avait pas une heure à perdre. Le roi Nicolas, qui était à Podgoritza, s’est transporté de sa personne et a transféré son gouvernement à Scutari, au-delà de l’ancienne frontière albanaise, tandis qu’il invitait le corps diplomatique accrédité auprès de lui à aller l’attendre en Italie, à Brindisi, tête de ligne adriatique où il voulait se rendre pour guetter un retour inespéré de la fortune. C’est alors que s’est mise à courir une étrange rumeur, confirmée presque immédiatement par des déclarations officielles au Reichstag allemand et à la Chambre des Députés hongroise, saluée à toute volée par les cloches des deux Empires.

Le 13 janvier, deux ministres monténégrins et un major d’artillerie se seraient présentés aux avant-postes autrichiens et auraient exprimé