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Brindisi, à son tour, et de Brindisi, pour Lyon, où sa famille aspire anxieusement à retrouver le maître, le père, le chef, le roi ; confiant la résistance suprême au prince Mirko et au général Voukotitch, qui jadis, président du Conseil, avait réputation, méritée ou non, d’austrophile. Cependant l’Allemagne et l’Autriche restent muettes. Est-ce qu’elles ne comprennent pas ? Sont-elles vraiment déçues ? Ou sourient-elles sous cape ?

Ailleurs, en dehors des Empires du Centre, dans les pays de l’Entente et chez les neutres, il s’est levé une nuée de soupçons. Nulle part autant et nulle part aussi vite qu’en Italie. Le Lovcen a été bien rapidement cédé ; qui donc a eu soin de ne laisser que 1 200 Monténégrins pour le défendre ? Ces chemins si difficiles se sont bien facilement ouverts : et, par tous ces chemins, durant une semaine, notamment par la route qui suit le littoral, en dépit des résipiscences, les Impériaux ont avancé sans encombre. Les nids de l’aigle et du faucon ont été dénichés bien tranquillement, après que l’aigle toutefois et le faucon s’étaient envolés. Des esprits curieux se sont lancés sur cette piste, et l’ont remontée en courant, car le ressentiment ravive la mémoire, et l’imagination, fouettée par la colère, galope. De telles histoires, qui ne sont pas de l’histoire, n’offrent qu’un très mince intérêt, d’autant qu’il est à peu près impossible de connaître la vérité. Ce n’est que le temps qui la découvrira. En attendant, abritons honorablement l’exil du roi Nicolas. C’est un vieillard et c’est notre hôte : nous ne voulons pas en savoir davantage.

De même il n’est guère plus intéressant de se demander et de demander aux autres si ce qui s’est produit aurait pu ne pas se produire ; ce qui est fait est fait ; ç’a été mal fait, mais c’est fait : n’aggravons pas nos déconvenues par des polémiques oiseuses et dangereuses. Aux journaux français, anglais, russes, qui paraissaient accuser l’Italie de mollesse ou de lenteur, la presse italienne a riposté en relevant les erreurs de la Quadruple-Entente. Deux ministres même, de qui la personnalité rehausse encore la fonction, M. Martini, ministre des Colonies, M. Barzilaï, ministre d’État, incidemment, sont intervenus dans la querelle. En forme presque lapidaire, avec sa concision toscane, M. Ferdinando Martini a déclaré : « Pour nous, ne nous touche en aucune façon le reproche d’abstentions, de négligences, d’oublis, de conseils tus. » Ces quatre mots en diraient long ; à quoi bon le leur faire dire ? Retenons seulement que nous nous sommes mépris, entre autres choses, sur la valeur de la politique