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C'est l'office qui le désigne, ou plutôt la section permanente de sa délégation cantonale, composée des élus cantonaux, des maires, des instituteurs et des institutrices…

Cette conception singulière du « tuteur social » apparaîtrait comme bien chimérique, si l'on n'avait eu la précaution de subordonner la nomination de ce surveillant à la présentation ou à l'agrément des tuteurs civils.

Mais cette précaution même ne supprime-t-elle pas l'efficacité de l'institution ? Par quelle vertu particulière les « tuteurs sociaux » ainsi recrutés mettraient-ils plus de zèle à exercer leur fonction de police que n'en ont mis à contrôler la gestion tutélaire, sous l'empire de la législation actuelle, les subrogés-tuteurs choisis dans la famille même ? Nous ne pensons pas que le parlement accueille favorablement cette innovation hardie. S'il avait la faiblesse d'y consentir, nous sommes persuadés que les tuteurs sociaux ne seraient tolérés qu'à la condition d'être inactifs, et par conséquent inutiles, ou de comprendre leurs rôles à la façon des parrains, dont la fonction essentielle est d'offrir des étrennes à leurs filleuls.

La commission sénatoriale nous montre au surplus qu'elle craint la défiance des familles contre l'institution qu'elle préconise, puisqu'elle prévoit le refus de tout tuteur social par les mères tutrices ou les ascendans tuteurs. Une telle résistance ferait encourir la perte de tout droit à l'aide matérielle de l'office départemental (article 21, dernier §).

L'institution de la tutelle sociale, organisée en défiance de la famille, fournit la solution du problème pour l'hypothèse où l'enfant reste à la garde de sa mère ou de ses proches. Qu'imagine la commission pour l'enfant qui n'a pas de parens proches et dont elle ne veut cependant pas confier l'éducation aux services d'assistance ?

Elle exige des juges de paix, qui, présentement, s'en abstiennent, la constitution spontanée d'un conseil de famille. Ils le composeront d'élémens étrangers. La délégation cantonale, pépinière des tuteurs sociaux, en fournira les membres. Ce conseil, à son tour, désignera un tuteur civil, ou bien l'office sera lui-même investi de la tutelle et la fera gérer par l'un de ses membres ou par un délégué de son choix. Ce tuteur bénévole (car il ne peut être question d'imposer de pareilles charges qu'à ceux qui consentiront à les accepter) sera débarrassé du