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œuvre qui participât de l’éternité romaine ; et leur pensée, dirigée par Ignace, embrassait déjà les siècles à venir. Paul III, moins hostile aux Ordres religieux que ses cardinaux, comprit l’opportunité de cette institution et le secours qu’elle apporterait aux défenseurs de la tradition catholique contre l’hérésie. Le 3 septembre 1539, il bénit, il loua, il approuva. Restait à convaincre les cardinaux récalcitrans. La Bulle Regimini militantes Ecclesiæ, qui confirmait la Compagnie de Jésus, ne fut promulguée qu’un an après, le 21 septembre 1540. Rome n’a pas la lenteur oisive, mais la lenteur prudente. Aucune école de patience ne lui est comparable.

François s’était rétabli. Pendant que le Pape envoyait Lainez, Le Fèvre, Rodriguez et Broël réformer un couvent de Sienne et prêcher à Parme, et que Bobadilla dans Naples parlait plus haut que les Napolitains, Ignace gardait près de lui la moitié de son âme. Nous ignorons quel fut son rôle personnel au milieu de tous ces événemens. Nous savons seulement qu’il correspondait avec les absens et qu’il prêchait à l’ancienne église de Saint-Louis-des-Français. C’était un peu comme s’il nous appartenait encore. D’ailleurs, on n’oubliait pas, à Sainte-Barbe, le Pèlerin et ses amis. Jacques de Gouvea les avait signalés au roi de Portugal, et, en même temps, leur avait écrit pour leur demander si, le cas échéant, ils accepteraient une mission dans l’Inde, car Jean III, toujours préoccupé d’évangéliser ses conquêtes, ne cessait d’épier toutes les bonnes volontés qui pouvaient poindre à l’horizon. Le Père Le Fèvre répondit, au nom de la Compagnie, qu’ils étaient liés envers le Pape et que c’était au Pape de décider des besoins de la Chrétienté, mais que, pour eux, qui s’étaient proposé de convertir les Infidèles, ils iraient avec joie partout où ils seraient appelés. Aussitôt que cette réponse lui fut communiquée, Jean III recommanda à son ambassadeur près du Souverain Pontife, Pedro de Mascarenhas, de s’assurer par lui-même si ces nouveaux religieux étaient bien les clercs lettrés et les hommes de bonne vie qu’on lui avaient dépeints, et, s’ils l’étaient, de les faire venir le plus tôt possible à Lisbonne, où lui, le Roi, se chargerait de réaliser leurs saints désirs. Le 10 mars 1540, Pedro de Mascarenhas transmettait au Pape et à Ignace les vœux de son monarque.

C’est ici que, si je ne me trompe, se joua dans le cœur