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illuminée par le génie. « Il était né comme moi parmi les pasteurs, il avait grandi comme moi dans une maison champêtre dont l’image le ravissait, il goûtait par-dessus tout les affections de famille, il était plein de tendresse pour un père et pour une mère semblables aux miens… Tout ce qu’il avait aimé, je l’aimais, et, pendant que je le lisais, des sentimens analogues aux siens se reconnaissaient, s’exaltaient en moi sous l’influence de sa magique parole. » Sans doute est-ce là qu’il faut chercher l’origine de ce culte de Lamartine, dont on peut dire qu’il a empli la vie et l’œuvre de Charles de Pomairols.

Non content de célébrer Lamartine en vers et en prose, et de mêler le souvenir du poète à ses plus hautes aspirations, comme à ses plus intimes effusions sentimentales, il lui a consacré tout un livre et s’est fait critique en son honneur. Chateaubriand recommandait la critique des beautés ; et il est exact que la sympathie est à la base de l’intelligence. Le livre de Ch. de Pomairols est un des meilleurs qu’on ait écrits sur Lamartine, un des plus intelligens et des plus pénétrans. Il fait désormais partie de la « littérature du sujet. » A la date où il a paru, il est un de ceux qui ont contribué à ramener la jeunesse vers le chanteur inspiré dont les Parnassiens l’avaient un peu détournée. Nul n’a fait mieux sentir ce qu’il y a de distingué, d’élevé, de pur dans la poésie de Lamartine et ce que son vers a d’immatériel. Mais un poète a beau se changer en critique, il reste poète, et surtout lorsqu’il interprète un autre poète. Il l’interprète à sa manière ; il l’aperçoit à travers sa propre sensibilité. Ch. de Pomairols a parlé à merveille de la tendresse de Lamartine : il n’a pas aussi bien mis en relief le côté hardi, volontaire, impérieux de son génie, celui-là même que M. Lanson découvre jusque dans les Méditations. L’image n’est certes pas fausse, mais elle est incomplète. Ce Lamartine-là n’aurait jamais écrit les Girondins, ni harangué les foules, ni renversé un gouvernement. Et peut-être cela eût-il mieux valu, mais évidemment ce n’est pas la question.

Ici se place, dans la jeunesse laborieuse et pensive de Ch. de Pomairols, un épisode singulier, qui n’est pas sans importance pour l’histoire des idées en France. Quand il eut fait ses classes au lycée de Toulouse, épris de philosophie, il partit pour l’Allemagne, afin d’y étudier dans les Universités. Comme si la France n’eût pas offert de suffisantes ressources à