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VII

Voilà le dessin du front. Il représente une série de positions de fin de combat, figées en décembre 1914 à Nieuport, en avril 1915 au Nord d’Ypres, en août à l’Est d’Ypres, en mars entre Armentières et La Bassée, le 13 octobre entre La Bassée et Lens, au début d’octobre avec des modifications au début de 1916 entre Lens et Arras, le 15 juin 1915 entre Hébuterne et Serre, en octobre 1914 entre la Somme et l’Oise.

Ainsi il parait comme le résultat d’une série d’événemens accidentels, superposés dans le temps et juxtaposés dans l’espace. Mais c’est mal comprendre cette ligne de feu que de la réduire à l’épaisseur des tranchées. Elle se développe sur un théâtre d’opérations qui a des propriétés particulières. Quelles sont ces propriétés ? Que représente, au point de vue militaire, l’échiquier sur lequel une partie si importante va se jouer ?

Partons de Paris et marchons vers le Nord ; nous trouvons d’abord devant nous la vallée de la Somme, constituée en barrière ; puis, au-delà de la Somme, à la hauteur de Lens, la ligne de falaises qui marque la limite des charbonnages ; enfin, plus au Nord encore, la ligne qui fait le pied des falaises picardes, avec La Bassée, et enfin la ligne de la Lys. Il y a eu de tout temps une ligne des places de la Lys, avec Aire et Warneton ; une ligne des falaises picardes, avec, à leur pied, Lillers et La Bassée ; une ligne des hauteurs de Gohelle, en face de Lens ; une ligne de la Scarpo, avec le front Arras-Saint-Pol ; une ligne même de l’Authie, avec Doullens ; et enfin une ligne des places de la Somme, Amiens, Péronne, Ham, Saint-Quentin.

Le pays se présente donc comme une suite de rideaux, de vallées larges et marécageuses, de crêtes, d’obstacles qui couvrent Paris ; mais cette propriété s’interrompt bientôt sur la droite, et les conditions changent complètement.

Pour peu en effet que nous nous déplacions vers l’Est, toute cette ondulation du sol s’éteint. Les accidens que nous avons vus viennent mourir à l’Est du méridien d’Arras, et une vaste plaine les remplace, un véritable golfe, ouvert vers le Nord et qui a sa tête vers Saint-Quentin. Le mot de golfe n’est point ici une figure. Il s’agit, en effet, d’une dépression réelle par où les