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il bondissait d’un pied leste sur l’échelle de la dialectique ; il se révélait théoricien de vaste culture, penseur hardi, orateur disert, styliste amoureux de belles formes. Très certainement, ils sont plus près que nous de la nature, et cette nature intacte leur permet de porter sans plier tout le poids de la pensée moderne.

Fils d’un peuple fécond, dont la prolification s’accroît d’année en année, sobres et endurans, indemnes d’alcoolisme, ils capitalisent ainsi et ils décuplent progressivement les réserves et les forces de leur jeunesse. C’est cela qui frappe d’abord : l’Italie est un peuple jeune et par conséquent riche d’avenir. J’avais continuellement l’obsession de cette jeunesse, tandis que je visitais, à Sampierdarena, les chantiers de constructions métallurgiques. Les ingénieurs, qui m’accompagnaient, étaient tous des adolescens. L’un d’eux me disait : — « Le plus âgé d’entre nous n’a pas vingt-cinq ans ! » — Je songeais aux compagnons de Bonaparte, aux jeunes lieutenans de l’armée d’Egypte. Enthousiastes, prêts à l’action, dévorés du désir de jouer un grand rôle dans le monde, tels ils m’apparurent. Même dans le peuple, dont l’éducation civique est encore si incomplète, même chez les émigrés, isolés de la mère patrie, chez tous ces humbles travailleurs agricoles que j’ai rencontrés dans notre Afrique française et dans les pays du Levant, j’ai constaté un sentiment très vif de la dignité nationale et surtout une extraordinaire solidarité de race.

Si, comme je l’espère, une grande tâche attend, demain, les nations latines, nous pouvons compter que nous trouverons en eux, non seulement des associés, mais des émules, des stimulateurs et des créateurs d’énergie.


Ce large courant de sympathie, — sympathie peut-être inattendue au lendemain de dissentimens pénibles, autant qu’involontaires, qui sont encore dans toutes les mémoires, — ce courant ne s’est pas créé précisément tout seul sous la menace de la ruée germanique. Italiens et Français, beaucoup ont pensé qu’il ne suffisait pas de l’indication brutale des circonstances pour céder à cet entraînement. Certains même avaient prévenu, préparé peut-être les événemens. Ils ont cru qu’il était de leur devoir de faire collaborer les puissances obscures du