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belle, si émouvante qu’elle faisait trembler Michelet d’admiration et d’amour, mais non la France vivante et présente, la France des paysans, des ouvriers, des manuels, des intellectuels, tout entière debout et armée pour la défense de ses foyers et de ses autels, ce qui est bien, et pour le triomphe d’une cause qui est celle de l’Europe et de la civilisation, ce qui est plus beau encore.


Ce qu’exprime si éloquemment M. Sarthou, ses collègues le pensent comme lui. Cette guerre est leur guerre, quoiqu’ils ne l’aient pas voulue.


L’HEROÏSME CIVIL

Nous avons vu l’Université au feu. Avant d’aller la chercher dans les écoles qu’elle a su rouvrir, il nous faut étudier d’autres formes d’activité que la guerre a imposées ou inspirées à quelques-uns de ses membres. Oh ! la souffrance de se sentir inutile dans les journées d’août 19141 On était bon à quelque chose en temps de paix ; on jouissait de son travail, on aimait son métier. Et tout d’un coup il n’y a plus qu’une besogne qui compte, à laquelle on n’est pas apte. On voudrait servir de quelque manière que ce soit. La bonne volonté est immense et unanime. Mais il n’y avait pas de plan de mobilisation prévu pour les civils. Il faut s’ingénier, chercher soi-même ou se donner au moins l’illusion de l’action. Les chimistes, les professeurs de langues vivantes offrirent leurs services, qui ne furent pas tout de suite acceptés. Beaucoup de professeurs trouvèrent dans la Croix-Rouge l’emploi de leurs jours, et même de leurs nuits. D’autres utilisèrent leurs vacances dans des mairies ou des préfectures. Je sais un professeur de faculté, correspondant de l’Institut, qui fut dactylographe dans une intendance.

La bonne volonté des instituteurs ne connut pas ces embarras. Ils furent immédiatement utiles, et sur place. Car ils étaient à leur poste. Leur chef à tous, le directeur de l’enseignement primaire, a résumé leur rôle d’après leurs propres rapports. Je n’ai qu’à résumer ce résumé. A la campagne, la plupart sont secrétaires de mairie. Le maire est souvent mobilisé. Ils accomplissent toutes les besognes municipales, sauf de procéder à des mariages. Or, l’état de guerre a compliqué ces besognes. C’est eux qui dressent, par centaines, des bons de réquisition, des passeports, des états de denrées, des listes d’indigens. Ils