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nombre pour des hôpitaux. Plusieurs de ces réquisitions étaient prévues par le journal de mobilisation. Les besoins dépassèrent les prévisions ; et, comme il s’agissait des blessés, on n’eut pas même la velléité de discuter. Le service de santé militaire fît aux internats secondaires l’honneur d’en trouver l’installation matérielle supérieure à tout ce qu’on pouvait lui offrir ailleurs, et de les occuper presque tous. Au moment de la rentrée de 1914, 2 031 écoles publiques étaient réquisitionnées, 150 écoles normales, c’est-à-dire presque toutes, 178 écoles primaires supérieures, et 347 établissemens secondaires, dont 221 en totalité. Il y en a en tout 528. Et ceux qui n’étaient pas réquisitionnés, étaient, sauf quelques lycées de Paris, les moins bien installés. A Bordeaux, pendant le séjour du gouvernement, les facultés elles-mêmes logeaient les différens ministères. Mais cela fut exceptionnel et d’ailleurs ne dura pas. Donc, manque de locaux et manque de personnel. Et on rentra tout de même.

Pour les locaux on s’ingénia. Un inspecteur en tournée raconte avec bonne humeur le problème qui se pose pour lui à la descente du train : « Où est l’école ? » Il faut la chercher partout, sauf dans l’école. Cela n’est vrai cependant que pour celles que leurs dimensions rendaient dignes d’une réquisition, et dans les agglomérations qui ont tenu à honneur d’avoir au moins un hôpital de la Croix-Rouge. Mais où sont l’école normale, le collège, le lycée, ce sont de vraies découvertes à faire en effet. Et quand on a cru trouver, On n’a trouvé le plus souvent qu’une partie d’un tout désarticulé et morcelé. Plus l’établissement est important, et plus il a fallu renoncer à le transporter de toutes pièces dans des locaux qui eussent été réquisitionnés eux-mêmes, s’ils avaient existé. Quelquefois une certaine cohabitation du lycée et de l’hôpital fut possible, et donna lieu à une touchante fraternité de l’élève et du blessé. Certaines municipalités se dépouillèrent. Des musées devinrent dortoirs, des salles de conférences réfectoires, des salles de bibliothèque, des salles de mariage classes ou études. D’autres donnèrent de préférence ce qui ne leur servait pas. Les palais de justice furent mis à contribution ; les salles d’audience prêtèrent leur majesté à l’enseignement des conjugaisons et des déclinaisons. Des salles de cinéma, de café même, reçurent au contraire un certain prestige de l’emploi imprévu qui était fait d’elles. Beaucoup d’habitations privées furent prêtées par des amis de l’Université, ou