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produire beaucoup de fonte, c’est à merveille ; mais il ne faudrait pas, faute d’acheteurs, nous trouver bientôt dans la position de l’apprenti sorcier qui avait envoyé un balai, magique lui chercher de l’eau et, ne sachant comment l’arrêter, courait risque d’être inondé. D’autant plus que les balais magiques de l’industrie marchent en dépensant de la houille, cette houille dont nous manquons ! Ici encore quelques précisions de chiffres sont nécessaires.

Voyons d’abord ce qui va se passer pour la houille. A la veille de la guerre, la Lorraine restée française produisait 19,5 millions de tonnes de minerais, dont elle exportait plus de 8. Il est vrai que nous en importions, d’autre part, 1 5 millions ; mais ce sont des minerais riches et purs que la Lorraine ne peut nous fournir. À ces 19,5 millions de tonnes vont s’ajouter les 21 millions de la Lorraine allemande (en laissant de côté le Luxembourg) : soit, au total, sur le pied d’extraction actuel, 40,5 millions, au lieu de 11,5 précédemment utilisés. Je suppose que la France ait la prétention de tout traiter et élaborer elle-même, qu’elle ferme ses frontières à toute exportation de minerais, comme le réclament des voix très fortes qui parlent volontiers de trahison, dès que l’on veut commercer avec l’étranger, qu’arrivera-t-il ? Sans entrer dans des calculs techniques dont ce n’est pas la place, on peut admettre que chaque tonne de minerai traitée en France demande, pour arriver à des produits finis, environ 1300 kilogrammes de charbon (sous la forme de coke ou de houille). 29 millions de tonnes de minerais supplémentaires exigeront donc 37,7 millions de tonnes de houille. Admettons que l’on autorise les exportations en Belgique et en Angleterre (5 millions de tonnes de minerais), il faudra encore 31,2 millions de tonnes en supplément. Or, actuellement, nous produisons 41 millions de tonnes de houille (chiffre stationnaire) et nous en consommons 62 millions. Notre déficit, qui est déjà de 21 millions de tonnes, passerait donc à près de 53. Quand même nous obtiendrions les 17 millions de tonnes de la Sarre (ce dont on voit ici l’intérêt majeur), il en resterait 36 à trouver. Sur les 21 millions de tonnes que nous importions avant la guerre (au lieu de 36), l’Angleterre en fournissait 10 millions et la Belgique 4 millions. Près de 7 millions de tonnes venaient d’Allemagne, en augmentation rapide d’année