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considération de l’heure où il se trouvait, » de pardonner à un certain Enrique de Sousa (dont nous ignorons la faute) « eu égard à sa pauvreté personnelle et à celle de l’orpheline qu’il avait épousée. » Nos yeux se reposent sur le lit de mort de ce grand explorateur, grand capitaine, bon politique, gentilhomme chevaleresque et homme de bien qui disparaissait à quarante-huit ans, en pleine gloire et dans toute la noblesse de la pauvreté.

François attendit encore onze mois le moment de partir pour le Japon. Il retourna à la côte de la Pêcherie, il revint à Goa, il redescendit à Cochin, revint une seconde et une troisième fois à Goa. On ne voyait que son embarcation sur les flots. Il réchauffe les courages ; il excite les bonnes volontés. Les missionnaires qui reçoivent ses visites ne tarissent pas, dans leurs lettres, sur les émotions qu’ils ressentent à le voir et à l’entendre. Les instructions, qu’il leur laissera par écrit et qu’il leur répétera jusqu’à la fin de sa vie et que sans doute il leur détaillait dans ses entretiens, ont un caractère universel qui en fait encore aujourd’hui un excellent « manuel » du missionnaire.

D’abord, que le missionnaire se préoccupe de sa conscience avant de se préoccuper de la conscience des autres. « S’il n’est pas « bon » pour lui, comment le serait-il pour autrui ? » Qu’il ne s’étonne pas de rencontrer des doutes sur les Sacremens et l’Eucharistie : « Comment n’en aurait-on pas en nous voyant, nous prêtres, vivre si différens de ce que nous devons être ? » Il insiste sur la gaîté que le visage du prêtre doit refléter, sur sa douceur, sur sa modestie, sur sa bienveillance. Qu’il n’affecte aucune austérité. Mais qu’il ne se livre point ; que, dans ses relations spirituelles, il converse comme si ses amis d’aujourd’hui pouvaient être ses ennemis de demain. (Dure maxime, que les Jésuites n’ont pas inventée, et dont tout homme public appelé à diriger des hommes, et chargé d’intérêts plus considérables que les siens, a souvent, hélas ! vérifié la justesse.) Qu’il n’accepte aucune obligation de personne afin de garder son indépendance. « Il nous en coûte de remplir notre devoir de réprimande envers ceux qui nous ont obligés. » Bien des gens déréglés rechercheront son amitié, qui ne désireront qu’en couvrir leur inconduite. On peut accepter leurs invitations, mais à condition de les sermonner. (On sait combien de conversions lui valurent ces dîners à la table des pêcheurs.) Il ne faut recevoir aucun présent de valeur. « S’il vous arrive