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corps enseignant que des étudians, est partie de son propre mouvement pour nos armées ; plusieurs sont déjà morts au champ d’honneur. Nous ne les plaignons pas ; en mourant, ils auront pu se rappeler les vers d’un grand poète français :


Moi je meurs. Mon esprit coule par vingt blessures.
J’ai fait mon temps. Buvez, ô loups, mon sang vermeil.
Jeune, brave, riant, libre et sans flétrissures,
Je vais m’asseoir parmi les Dieux, dans le soleil.


Ce ne sont point là de vaines paroles. De la pensée maîtresse qui apparaît dans tous ces documens, du thème qui s’y développe en termes souvent presque identiques, l’examen un peu plus détaillé des faits montrera la magnifique application.


On a décrit bien des fois le décor charmant de Cambridge et d’Oxford, et personne n’a oublié les pages exquises où Paul Bourget disait, il y a bien des années déjà, la grâce prenante et délicieuse de la vieille cité universitaire anglaise. Aujourd’hui comme alors, Oxford garde un charme incomparable. Sous le clair soleil de printemps, High Street aligne les pittoresques façades de ses vieux collèges, détachant en vigueur sur le ciel leurs créneaux, leurs clochetons, leurs dentelures gothiques. A la noble et imposante beauté de la grande cour de Christ Church correspond, à l’autre extrémité de la ville, la grâce mélancolique du cloître exquis de Magdalen, où la lumière matinale semble éveiller les vieilles pierres, rendre la vie aux statues ironiques qui surmontent les arcades et allumer une flamme aux géraniums rouges accrochés au rebord des fenêtres. Au-dessus des prairies semées de fleurs qui bordent le Cherwell, les tours, qui sont une des parures d’Oxford, la grosse tour de Christ Church et la flèche aiguë de la cathédrale, le puissant donjon de Merton et la tour aérienne de Magdalen dessinent, dans le soir qui tombe, l’élégance contrastée de leurs lignes différentes. Et dans la cour d’All Souls, entre les fenêtres éclairées du hall et les murs crénelés de la bibliothèque, il semble que le temps même ait cessé de couler. Nulle vision importune n’altère ici la grâce du décor séculaire : au-delà des grilles, la Radcliffe Camera élève dans la nuit claire sa coupole majestueuse ; les murailles sombres de la Bodléienne se