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profonde qu’elles traversent à cette heure, les transformations souvent radicales que la guerre leur a imposées, ne sauraient demeurer sans effet sur l’organisation future de ces universités. Certaines d’entre elles, les plus récemment fondées, ont été, dès leur origine, animées d’un esprit tout moderne. Elles ont pris très vite un caractère spécial, correspondant au milieu où elles étaient nées. Ainsi Leeds est l’université des textiles, et Sheffield l’université de la métallurgie. Etroitement mêlées par-là à la vie générale de la cité et de la région, elles sont devenues, d’autre part, des universités essentiellement populaires, où le prix de la pension, relativement modeste, permet aux classes moyennes d’envoyer leurs enfans. Enfin, dans le milieu ouvrier où elles vivent, elles ont nécessairement donné à leur activité un côté propagandiste et missionnaire ; elles se sont efforcées d’attirer à elles l’élite des travailleurs et de « conquérir pour la science, les lettres et les arts, comme l’écrivait le vice-chancelier de l’Université de Sheffield, cette grande population ouvrière du Nord, si puissante et jusqu’ici si négligée en fait d’éducation. »

Le même esprit a présidé, à Londres, à la fondation de ce collège d’East London, dont une des plus anciennes corporations de la Cité, la Drapers Company, a pris initialement et conserve en très grande partie l’entretien à sa charge. Etabli dans un quartier populaire et pauvre, East London Collège, où le prix de la pension n’est pas très élevé, recrute essentiellement ses élèves parmi les enfans de la classe moyenne. En outre, à côté des cours du jour, l’institution des cours du soir permet de faire pénétrer l’enseignement dans l’élite de la population ouvrière. Et il est intéressant de noter en passant que, dans ce collège tout populaire, l’histoire de la littérature anglaise est professée par un homme du talent et du renom de sir Sidney Lee, l’éminent historien de Shakspeare.

A cet esprit nouveau s’accordent bien, ce semble, les tendances du gouvernement. J’ai entendu exprimer par M. Henderson, le ministre actuel de l’Instruction publique, le désir et la volonté d’élever progressivement le peuple jusqu’aux universités, parce que, disait-il justement, « il n’y a pas de pire chose pour un gouvernement qu’une démocratie ignorante. »

Dans quelle mesure les vieilles universités aristocratiques de Cambridge et d’Oxford se laisseront-elles pénétrer par cet esprit nouveau ? Je ne sais. Mais c’est un fait bien significatif que,