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déjà leur apparition dès le début de la guerre. À ce matériel formidable pour l’époque mous opposions les canons de Bange, de Siège et Place, excellons sans doute, mais d’ancien modèle, et faiblement approvisionnés, les pièces de marine que notre maîtrise de la mer rendait inutiles sur les côtes, et quelques 155 CTR. Nous n’avions pas résolu d’un seul coup le problème des « affectations spéciales ; » avant de confectionner les nouvelles pièces d’A. L. réclamées par les combattans, il fallait alimenter l’ancien matériel en service avec des usines et un personnel improvisés. Pendant ce temps, l’ennemi ne restait pas in actif. Sa puissante organisation industrielle l’aurait rendu invulnérable, si les Alliés n’avaient pas su durer. Grâce à leur patience et à leur ingéniosité, ils pourront enfin lutter à armes égales, et dès lors l’équilibre maintenu jusqu’à présent par leur persévérance et leur bravoure sera rompu en leur faveur. Donc, plus que jamais nous devons maintenant observer le principe de l’économie des forces et n’employer nos troupes qu’à bon escient, car, après vingt-trois mois de guerre, les chefs et les soldats ne se fabriquent pas et ne se remplacent pas aussi facilement que les canons et les munitions.


II

La guerre contemporaine est affaire de science et de méthode. Depuis 1870, sauf dans la première phase de la campagne actuelle, dans les manœuvres du voïvode Putnik et les récentes opérations du grand-duc Nicolas, l’art ne vivifie plus les conceptions stratégiques et tactiques des belligérans. Sur le front français, Napoléon Ier lui-même, s’il pouvait remplacer aujourd’hui le général Joffre, ne ferait pas mieux que lui. Tout au plus est-il permis aux malins de supposer qu’il aurait dirigé autrement les événemens du début de la campagne et qu’il n’aurait pas laissé l’adversaire, ni ses propres armées, demander la supériorité finale à une lente usure ou à quelque rupture brutale du front.

Ce n’est pas aux seuls progrès de l’armement qu’il faut attribuer l’invulnérabilité actuelle des positions dont les flancs sont bien appuyés. De tout temps, devant des lignes défensives