Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/434

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coutumes juridiques, leur religion et leur langue ; parce qu’elle concède à leurs fils tous les avantages dont jouissent ses propres fils ; parce qu’au Parlement fédéral d’Ottawa, comme au Parlement régional de Québec ils peuvent à leur guise discourir en français ou en anglais ; parce qu’ils peuvent remplir les plus hautes fonctions, voire, et ç’a été le cas de M. Laurier, celles de premier ministre.

Et sa récompense est dans le loyalisme dont en aucun temps ils ne se sont départis, dont ils lui donnent aujourd’hui une nouvelle et si éclatante preuve.


II

Je n’ignore pas qu’au Canada la situation politique était naguère assez troublée. Aux ordinaires querelles des libéraux et des conservateurs s’ajoutaient les revendications d’un nouveau parti, celui des nationalistes. Par cela même que l’Angleterre a généreusement accordé au pays une autonomie presque complète et le laisse s’administrer à peu près tout seul, entre les deux élémens dont la population se compose et qui sont inégalement répartis dans les différentes provinces, des rivalités et des heurts étaient inévitables. Dans la province d’Ontario, et dans celle du Manitoba, la minorité française et catholique se plaignait d’être tyrannisée par la majorité anglaise et protestante. Je le sais, et pourquoi ne pas le dire, si l’union qui s’est faite dès qu’a éclaté la guerre, et qui là aussi s’appelle « l’union sacrée, » n’en doit paraître que plus admirable ?

À peine l’Angleterre était-elle entrée en lice, que les conservateurs qui sont au pouvoir et les libéraux qui représentent l’opposition ont été d’accord pour lui envoyer des soldats. M. Laurier a tenu le même langage que M. Borden ; le prêtre et le clergyman ont fait entendre du haut de la chaire le même appel aux armes ; et, s’adressant aux étudians de l’Université Laval, à Québec, Mgr Bruchesi s’écriait : « Nous avons envers la couronne d’Angleterre des obligations saintes, et c’est un devoir pour chacun de nous de seconder les Anglais dans leur héroïque défense de la liberté. S’ils étaient vaincus, les Allemands régneraient sur les bords du Saint-Laurent. Ecoulez-moi bien, Canadiens-Français : je ne veux pas, quant à moi, devenir Allemand ! »