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la première tranchée allemande, y massacrèrent tous ceux qui tardaient à se rendre, et s’y maintinrent. Dans la nuit du 23, pendant un mouvement de repli, le major Mac-Cuaig, grièvement blessé, refusa de se laisser emporter, se fit donner deux revolvers Colt chargés, outre celui qu’il étreignait encore, et resta seul, résolu à se défendre jusqu’à son dernier souffle : personne ne devait plus entendre parler de lui. Cependant, des troupes anglaises accouraient, les Français vite réorganisés regagnaient dès le 23 une partie du terrain perdu ; la ligne se reformait, un peu au Sud du front primitif, mais tout aussi forte ; et quand les Canadiens décimés, épuisés, furent renvoyés pour quarante-huit heures à l’arrière, le War Office put dire dans son communiqué du 24 avril : « Ils ont subi de graves pertes, mais leur courage et leur fermeté ont sans nul doute sauvé la situation. »

J’ai interrogé un de nos officiers, lieutenant au 58e d’artillerie, qui était à cet endroit du front en avril et mai 1915 ; je lui ai demandé s’il avait pu voir combattre les Canadiens. Il m’a répondu : « Je les ai même très bien vus, non pas le 22 ou le 23 avril, mais quelques jours plus tard. J’étais au poste d’observation, fort en avant de ma batterie, et presque en contact avec eux. Je les ai vus marcher à l’attaque d’une tranchée qui avait encore tout son réseau de fils de fer. Ils allaient à grandes enjambées, la hache sur l’épaule, sans s’abriter ni se presser ; de rudes gaillards, ma foi ! des hommes superbes. Ils ont dû y rester tous. »

Ces rudes gaillards, c’étaient, je pense, les « Princess Pat’s. » Le régiment qui porte le nom de la fille du duc de Connaught, The Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, est un des premiers qui aient été formés. Le 23 août 1914, à Ottawa, dans Lansdowne Park, il avait paradé musique en tête, au son de ses fifres et de ses cornemuses, devant la princesse, et elle avait remis au colonel Farquhar le drapeau brodé de sa main. Les « Princess Pat’s, » qui étaient pour la plupart des vétérans de la guerre Sud-Africaine et savaient par conséquent leur métier, ne firent qu’un bref séjour au camp de Salisbury. Leur brillante conduite à Saint-Eloi en janvier, février et mars 1915, leur valut les éloges du maréchal French. Après la journée des gaz asphyxians, ils vinrent renforcer leurs camarades à l’Ouest d’Ypres, et le 4 mai ils étaient en première ligne. Ce jour-là, le