Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/506

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pleurez pas… Vive la France ! » — Louis Belanger, âgé de vingt ans, tué à l’ennemi le 28 septembre 1915, avait écrit aux siens : « J’espère que ma mort ne sera pas pour vous un sujet de tristesse, mais une sensation de fierté. Je désire que mon deuil ne soit pas porté, car il ne faut pas qu’au jour de gloire où la France sera restaurée, le noir vienne ternir le soleil dont toutes les âmes françaises seront illuminées. » Pour lui obéir, les billets faisant part de sa mort n’ont point été encadrés de noir, mais bordés d’une bande d’argent. — Hubert Prouvé-Drouot, Saint-Cyrien de la promotion de la Grande Revanche, mort au champ d’honneur, donne pour dernière recommandation à sa mère, en la quittant pour rejoindre son régiment : « Quand les troupes rentreront victorieuses par l’Arc de Triomphe, si je ne suis plus là, mettez vos plus beaux vêtemens et soyez-y ! »

Les mères entendent et participent de cet enthousiasme sacré. Devant le lit d’hôpital où gît le corps de son fils mort, un père pleure ; la mère, une paysanne, lui prend la main : « Faut avoir du courage, mon homme. Tu vois bien que le petit en avait. » — Un soldat de Bagnères-de-Bigorre, jardinier à Lourdes, meurt à l’hôpital de l’Institut par suite d’une grave blessure : sa femme, appelée par dépêche, arrive trop tard. Devant le corps de son cher mort, elle dit simplement : « Il est mort pour la patrie. C’était sa mère, je ne suis que sa femme. » — Mme de Castelnau, la femme du chef illustre, est à la table de communion ; elle prie pour ses trois fils qui se battent. Mais voici que la main du prêtre qui lui présente l’hostie tremble. Elle a compris et dit simplement : « Lequel ? »

C’est que les mères françaises soutenues par une force surnaturelle croient que leurs fils en tombant pour la France trouvent, plutôt que la mort, leur épanouissement. L’une d’elles, qui ne veut pas que nous la nommions, emploie ce mot dans une lettre éblouissante de sainte beauté :


Paris, 20 octobre 1915.

« Commandant,

« Je ne saurais assez vous remercier de la fidélité de votre douloureux souvenir. L’anniversaire du sacrifice de mon brave enfant est particulièrement cruel et doux : cruel, parce qu’il me